dimanche 2 février 2014

La puissance thérapeutique des narrations paradoxales et systémiques



Les narrations paradoxales et systémiques révèlent leur puissance thérapeutique par  leur capacité à mettre en relief le sens du symptôme dans le contexte dans lequel il s’exprime.


Elles reprennent chaque pan de l’histoire du sujet en démontrant la manière dont la souffrance éclaire sur les dysfonctionnements relationnels.

Ainsi, ces récits mettent en avant les zones d’un système où les membres ne sont pas suffisamment individualisés dans leur fonctionnement. En interrogeant et en détaillant les jeux interactionnels dans lesquels le patient est immergé, il est alors possible de dégager la manière dont celui-ci condense les tensions de son groupe sur lui. 

Il est souvent important de faire une rétrospective intergénérationnelle des dynamiques relationnelles pour comprendre les raisons d’une si grande indifférenciation (confusion, symbiose) du souffrant par rapport aux siens. Cette vision élargie permet, en effet, de saisir les temps traumatiques du système où ont débuté les problématiques d’autonomisation entre ses membres. La fusion a été une façon de se défendre de l’angoisse. La difficulté est que cette conduite a induit un manque de considération des choix personnels pour préserver des codes rigides de cohésion groupale.

De manière universelle, là où un sujet est disproportionné dans ses réactions, il met en évidence son manque de différenciation par rapport à son système premier. Il exprime alors, excessivement et par formation réactionnelle, dans ses systèmes secondaires des choix individuels trop gravement censurés dans le système originaire. Par exemple, une personne hyper responsabilisée dans son système primaire régressera fortement dans les divers espaces où elle pourra s’exprimer plus librement. Le non reconnu deviendra exigeant et capricieux. Le carencé affectif deviendra extrêmement étouffant. Le trop passif deviendra persécuteur. Le trop aimant se transformera en personne haineuse. Le comportement désadapté vient ainsi révéler un étouffement identitaire et la trace de traumas collectifs maintenant le sujet aliéné à son système premier.

Lorsque les ajustements systémiques équilibrés entre appartenance et individuation n’ont pas eu lieu sur plusieurs générations, la tension interne ne peut ainsi que s’accroître. Elle s’exprime bruyamment à l’endroit de celui qui a la personnalité la plus sacrificielle dans le système pour endosser tout cette pression groupale. Bref, le symptôme dénonce les fragilités et donne alors les clés de leur résolution. En effet, il révèle la nature, l’intensité et le lieu du problème. Le manque est donc identifié et permet de décoder les moyens de le combler. 

Durant les échanges thérapeutiques, les narrations paradoxales et systémiques reconstituent la trame du sens relationnel du symptôme. Elles ont un effet opérant car elles mettent en relief les dimensions positives de la pathologie. Elles dévoilent un système aimant, soudé, et traumatisé qui s’enferme, de ce fait, dans une peur excessive de perte d’unité collective. L’intensité des inadaptations est à la hauteur de l’intensité du désir de maintenir une union perçue comme menacée. Ce récit thérapeutique désigne le patient comme le plus dévoué à son système. Elle pointe son courage et son endurance à porter le stress collectif. Cette valorisation narcissique du symptôme donne au patient la force et la confiance  pour avancer.

De même, cette nouvelle lecture contée offre un regard non plus contraignant de la douleur mais plein d’espoir. Le trouble dénonce le problème et, par conséquent, donne la solution. Il est en cela non plus dangereux mais un allié pour l’évolution du système. 

Il est décrit également dans sa dimension protectrice quand il est présenté dans sa fonction de résistance au changement. En effet, lors de l’évolution d’un système bloqué, le symptôme assure par sa présence un démantèlement très progressif des rigidités fonctionnelles afin que l’adaptation à de nouveaux codes ne se fasse pas brutalement. Autrement, cela pourrait entraîner des phénomènes chaotiques et dangereux pour tous ses membres.

Les narrations paradoxales et systémiques sont de formidables outils thérapeutiques car elles révèlent au souffrant le sens structurant de la réalité systémique ! Le patient peut alors se l’approprier pour se désaliéner et bien souvent aider son système à s’en désaliéner.