mardi 29 juillet 2014

Interview vidéo


Interview vidéo d'Adeline Gardinier, psychologue clinicienne et psychothérapeute, auteur du livre "Aider le patient à sortir de la crise : une méthode psychothérapeutique" publié aux éditions De Boeck en septembre 2013.

Spécialiste de la thérapie systémique et des thérapies familiales, cette interview vidéo permet de découvrir les concepts fondamentaux de la méthode psychothérapeutique originale proposée.

Adeline Gardinier a également publié plusieurs articles sur le thème de la thérapie systémique dans Santé Mentale, le Journal des Psychologues, le Cercle Psy et participe également à des groupes de travail sur ce même thème (notamment Blogarat).


mercredi 9 juillet 2014

La puissance thérapeutique des narrations paradoxales et systémiques (Partie 3)











Les narrations systémiques opérantes dans les échanges thérapeutiques


Tout au long de l’entretien, le thérapeute s’applique à redéfinir, sous un angle opérant, la réalité douloureuse de son interlocuteur. Proposer au consultant une approche positive, fonctionnelle, contenante et logique de son trouble, c’est opérer un recadrage opposé au sens commun. Cette technique d’intervention active fait résonance chez un sujet en manque de repères et d’ouverture. Il puise dans ce nouveau regard porté sur son vécu le sens qui se faisait manquant et la pleine conscience de sa « bonne » nature. Ce recadrage valorisant et éclairant lui donne le moteur et la confiance d’avancer et de trouver ses solutions.

LE RECADRAGE PARADOXAL

Recadrer, c’est inviter les patients à interpréter différemment les ressentis et situations vécues. Le thérapeute tisse progressivement une trame cohérente entre le fonctionnement, l’histoire du sujet et l’utilité de ses troubles tout au long de l’entretien. La redéfinition systémique souligne le double pôle paradoxal du symptôme, son aspect contraignant et utile. C’est là l’essentiel de son effet surprenant et donc opérant.

Recadrage paradoxal des situations
Le souffrant n’est pas assez égoïste : il porte le stress groupal. La crise est une opportunité afin d’avancer : La position sacrificielle du patient devient intenable. Le sujet est obligé de s’appliquer à une meilleure différenciation par rapport à son système. Le symptôme est fonctionnel : il permet le non changement structurel d’un système craignant toute transformation.

Le souffrant est admirable dans ses capacités d’endurance et la force déployée face aux épreuves : Ses symptômes mettent en relief des ressources et des compétences considérables dans cet excès d’étayage et de générosité vis-à-vis de son système. Le vrai patient n’est pas celui qui est face au thérapeute : Le patient, en tant que régulateur homéostasique, camoufle les dysfonctionnements de son système.

Le hasard n’existe pas : Le symptôme et les imprévus divers, s’inscriraient comme des résistances au changement et non comme un hasard.

Recadrage paradoxal de l’évolution
Il n’y a pas d’avancement sans résistances : La pathologie vient révéler le système fermé dans lequel elle s’exprime. Selon les propriétés d’autoconservation rigide de ces systèmes, chaque transformation sera soumise à des résistances signifiantes à l’intérieur de cette organisation.

La résolution d’une problématique s’amorce par une recrudescence des symptômes : Les résistances au changement massives, du début de la transformation, renforcent la virulence du symptôme dans ses fonctions régressives et d’inertie.

Le patient doit avancer lentement durant un temps de crise : Son désengagement d’une place attitrée dans un système rigide doit se faire progressivement afin de respecter le rythme d’adaptation très lent de cette organisation d’appartenance. Le patient doit s’éloigner pour se confronter : Le souffrant doit pouvoir se ressourcer loin de son groupe lorsque le remaniement de ses fonctions relationnelles à l’intérieur de celui-ci engendre des résistances systémiques déstructurantes.

Recadrage paradoxal des émotions
Un vécu émotionnel désagréable peut être thérapeutique : Les affects douloureux, tels que la colère, la honte, la tristesse ou l’angoisse, peuvent faciliter le travail de différenciation du souffrant par rapport à son système.

Une force d’avancer nait des évènements douloureux : Le surplus de stress engendré par ce type d’événements peut suffisamment déstabiliser le fragile édifice défensif des systèmes fermés. Cette surtension oblige alors à une réorganisation salvatrice pour l’ensemble de l’unité.

Recadrage paradoxal de la distanciation
Le lien fusionnel sépare : La non différenciation entrave les capacités d’adaptation des membres du groupe qui y sont soumis. La tension croissante intrasystémique risque alors de provoquer l’éclatement de l’unité.

La confrontation permet la libération : Le désengagement bruyant de la place de « patient désigné » dans un système fermé conduit au retour progressif du bien être pour chacun de ses membres.

Recadrage paradoxal des représentations
Le patient détient le savoir : Le souffrant a accès au matériel psychique dénonçant les jeux relationnels dysfonctionnants de son groupe. Par conséquent, il détient les clés pour résoudre le manque de différenciation de son système.

Le patient donne énormément au soignant : le souffrant partage son expérience relationnelle et il met ainsi en relief les règles systémiques. Le thérapeute s’enrichit, au fil des histoires différentes de ses patients, d’une meilleure compréhension de la fonction du symptôme. Il n’y a ni victime, ni coupable dans un problème rencontré : l’interdépendance des systèmes, dans un mouvement synchronique et interactif, annule tout point d’ancrage linéaire dans la naissance d’une tension.

LE RECIT DIDACTIQUE

Par ses connaissances théoriques et son expérience clinique, le thérapeute peut élargir le regard du patient sur son vécu, celui-ci étant pris dans des narrations figées. Il invite à une redéfinition des relations à l’entourage, de l’histoire passée, des évènements, des comportements, des émotions, des expressions défensives. Il sensibilise aux particularités de certains processus systémiques ignorés du patient. Le récit didactique est ainsi à fort potentiel d’ouverture car il permet au souffrant d’intégrer des notions psychologiques essentielles. Ce savoir oriente sur un champ des possibles par les représentations nouvellement offertes et sur lesquelles il va être possible d’élaborer des solutions.

Voici quelques exemples de récits didactiques à effet illocutionnaire :

Récits didactiques sur la fonction du symptôme
L’angoisse comme indicateur d’une volonté de changement ; l’angoisse comme possible révélateur de changements positifs brutaux ; le symptôme comme support à l’angoisse ; le symptôme comme fonctionnel.

Récits didactiques sur les limites du champ médical
Les traitements chimiques comme aide mais non comme solution au travail d’élaboration psychique ; le diagnostic du souffrant : un frein à son avancement,

Récits didactiques sur la richesse et la complexité du processus de deuil
Le vécu de deuil n’a pas de règles dans son expression ; le mouvement dépressif est une tentative d’élaboration et d’acceptation du changement.

Récits didactiques sur le décodage du langage humain
La parole est un outil de manipulation ; les mécanismes défensifs révèlent les peurs et fragilités d’une personne ; le corps parle et donne les solutions.

LE RECIT MIRROIR

Le récit miroir représente le récit systémique de la guérison de certains patients à d’autres souffrants. Les auditeurs puisent dans les solutions originales, trouvées par leurs pairs, la manière d’extraire de cette lecture interactionnelle une forme d’inventivité personnelle. Le thérapeute joue sur ce fort potentiel identificatoire des « récits en miroir » pour motiver le patient à s’engager dans le même processus d’avancement. Effectivement, constater de l’heureux dénouement d’une problématique, lorsque le symptôme a été travaillé sous un angle contextuel, motive fortement le patient dans la même démarche.

Le souffrant saisit les règles systémiques à respecter dans le démantèlement d’un conflit. Les récits en miroir permettent d’illustrer concrètement la manière dont s’expriment les résistances au changement dans le système. Ce témoignage aide le souffrant à ne pas être déstabilisé par ces phénomènes systémiques inconnus. Il permet de mieux s’ajuster aux dynamiques bruyantes de l’avancement.

LES MOUVEMENTS PSYCHIQUES FAVORISES DURANT L'ENTRETIEN SYSTEMIQUE


Le travail à partir des ressources et compétences du patient
L’approche systémique ouvre facilement à ce travail valorisant puisqu’il s’agit de faire réfléchir sur l’utilité d’un symptôme et sur la trop grande générosité du souffrant. Il est percutant de pointer et d’expliquer le paradoxe du sacrifice du patient, de l’excès de soumission dans les actes auto et hétéro-destructeurs. A porter excessivement le stress de son groupe, il devient malade. Ses qualités exceptionnelles d’endurance et de dévouement doivent être mises en relief par le soignant. Elles témoignent de compétences et d’une énergie indiscutables afin de sortir de toute problématique ! De plus, le souffrant détient, dans ses symptômes, la clé de l’énigme pathologique. Il pointe, en effet, dans ses maux les rigidités systémiques. Il dénonce la manière dont la maladie évite le réaménagement de codes archaïques dans son groupe. Ainsi, la douleur du souffrant aide au diagnostic des dysfonctionnements relationnels l’impliquant. Elle est alors un appel au changement et une grille de lecture salutaire afin de désamorcer des dynamiques interactives lourdes voire dangereuses sur du long terme.

Le travail de différenciation
Comme nous l’avons vu ci-dessus, ce travail consiste à aider le souffrant à discerner ses manques de ceux d’autrui. Cet éclairage lui permet d’élaborer ce qui lui revient et de confronter autrui à ses responsabilités propres. Cette délimitation est nécessaire afin de ne pas céder au découragement. Le patient ne s’embourbe pas dans des actions vaines. Non paralysé par un sentiment d’impuissance, il peut alors se mettre à distance émotionnelle pour faire ses choix personnels tout en respectant les fragilités d’autrui.

Le travail du soignant sur la maitrise de ses propres problématiques
L’interprétation paradoxale ne peut être pertinente que dans la prise en compte des propriétés systémiques traversant « l’organisation thérapeutique ». En effet, cette relation d’aide met en présence deux sous-systèmes distincts soignant/soigné s’inter-influençant. Le fonctionnement de cette unité relationnelle constituée est soumis à des repères de rééquilibrage plus ou moins rigides selon les problématiques non élaborées de chacun des adhérents. Ce constat est important afin de mettre en relief la nécessité pour le soignant de cerner ses fragilités et ses zones d’indifférenciation. Leur reconnaissance l’aidera à les neutraliser afin qu’elle ne parasite pas le travail d’individualisation du souffrant. Par exemple, un aidant, peu affirmé dans ses relations, risque de glisser sur une même problématique s’exprimant chez le souffrant s’il ne prend pas conscience de ce manque.

CONCLUSION

Ainsi, le système thérapeutique réunit le patient et le soignant dans un travail de co-partenariat actif leur donnant une position symétrique. Le savoir du patient est aussi signifiant que le savoir du soignant. Ce dernier détient une certaine maitrise des données de Sciences Humaines mais le premier a accès au contexte le plus pertinent à établir pour faire opérer cette pensée de l’aidant. L’intérêt de ce partage est de créer une complicité où chacun osera questionner, détailler, approfondir, découvrir. La censure de l’histoire relationnelle n’existe pas. L’interdépendance des systèmes et son analyse laissent peu de place au hasard !


Pour relire la deuxième partie :
http://adeline-gardinier.blogspot.fr/2014/07/la-puissance-therapeutique-des.html

Pour relire la première partie :
http://adeline-gardinier.blogspot.fr/2014/06/la-puissance-therapeutique-des.html

mercredi 2 juillet 2014

La puissance thérapeutique des narrations paradoxales et systémiques (Partie 2)

Interventions thérapeutiques découlant de cette logique systémique


Le sens donné à la souffrance, sous l’angle de la systémique, est inducteur de nombreuses règles d’intervention signifiantes à respecter dans le bon accompagnement du consultant. Si l’avancement du patient nécessite que celui-ci se désengage d’une fonction d’inhibiteur du changement au sein de son groupe rigide, plusieurs dispositifs thérapeutiques sont à mettre en œuvre pour faciliter cette dynamique.

Offrir un cadre sécurisant pour oser penser le changement

La réussite du traitement réside dans la capacité du patient à se désinscrire de fonctions indifférenciées dans ses systèmes d’appartenance. Ce remaniement profond de sa place induit automatiquement des peurs, des doutes et des résistances considérables au changement. La présentation d’un cadre thérapeutique sécurisant est alors indispensable pour que le patient ose expérimenter l’inconnu.

Proposer un cadre chaleureux et confortable
Recevoir le patient dans un lieu, symbole d’ouverture, d’authenticité et de bienveillance, est primordial. Si le soignant livre, le premier, la sensibilité et subjectivité de son univers, au travers du cadre présenté, alors le souffrant, rassuré de cette symétrie relationnelle, ose ce que tout entretien veut induire : la levée de défenses rigides.
Assurer la sécurité dans la solidité du cadre
La détermination du thérapeute à assurer le maintien des conditions nécessaires au bon déroulement d’un travail psychique est une qualité essentielle. Il met sa fermeté au service de l’intérêt du souffrant. Il témoigne de sa solidité et de sa capacité à affronter les moments de tension avec le consultant afin de le guider dans l’avancement. Il est ainsi attentif à ce que celui-ci ne déborde pas le cadre et respecte ses règles. Sa solidité doit donner le courage au souffrant de défier ses peurs de transformation.
La dynamique directive, attentive et rassurante du début d’entretien
Le consultant a besoin d’une contenance et d’un guidage rassurant durant les premiers temps de l’entretien. L’écoute flottante est à bannir des premiers échanges lorsque le souffrant cherche dans le regard du soignant des points d’ancrage. En hospitalisation, les premières attentions et paroles sont destinées à questionner le patient sur son vécu actuel dans ce lieu de soins : s’est-il facilement adapté aux repères nouveaux de ce cadre, est-il difficile pour lui de vivre en groupe, dort-il ou mange-t-il bien ? parle-t-il facilement aux infirmiers ? Est-ce que son entourage lui manque ? Cette attitude soucieuse et maternante, durant ce temps de crise régressif, est essentielle à l’instauration du lien.


Posture du thérapeute pour induire le changement systémique
La connotation positive du symptôme et l’attitude neutre induite par cette dynamique
La connotation positive consiste à considérer favorablement les symptômes du souffrant en les reliant à l’objectif bienveillant de maintenir la cohésion du groupe auquel il appartient. Le système rigide et traumatisé a peur, de manière erronée,  de tout changement de sa structure. Le trouble apparait alors comme une résistance sacrificielle du patient désamorçant  toute réorganisation crainte dans son clan.  De même, les comportements symptomatiques des autres membres du système sont également énoncés dans une dimension positive, et dans cette intention d’union préservée entre chacun d’entre eux. Tout le monde est inscrit dans un but commun salutaire de protection de son identité groupale perçue comme menacée. La connotation positive permet de solidifier le narcissisme du patient puisque ce qu’il appréhendait comme critiquable, de son ressenti et de ses agissements, peut être maintenant regardé sous un angle valorisant. En connotant également les comportements symptomatiques de l’entourage comme bienveillant à l’égard de l’ensemble du groupe, le souffrant peut se dégager de l’idée de ne pas être aimé, apprécié, suffisant pour les siens. Il est le porteur de la pathologie car il se présente comme le plus sensible et le plus généreux pour assurer cette fonction d’autoconservation groupale. L’attribution des rôles, au sien du système, s’est ainsi faite naturellement selon les personnalités en présence. Le souffrant est acteur de ce choix et il a accepté implicitement cette répartition des places. Grâce à la connotation positive du système dans son ensemble, le thérapeute s’affiche neutre vis-à-vis de tous les membres. Personne n’est présenté dans un jugement péjoratif.

La position basse du thérapeute
La position basse du soignant doit permettre de souligner le rôle de « guide » qu’il tient auprès du consultant. Le thérapeute ne détient aucun savoir si ce n’est celui d’aider le patient à trouver ses propres solutions.  Ses compétences résident dans une écoute exhaustive et une curiosité entière pour les jeux relationnels dans lesquels il baigne. Ces aptitudes permettent d’extraire les informations détenues par le souffrant et nécessaires à la résolution du problème. Il se présente comme celui qui facilitera la résolution de ces interrogations en reflétant au sujet la réponse singulière et pertinente cachée derrière son discours systémique. La position basse favorise également la complicité car elle permet d’accéder à des données supplémentaires. Témoigner au sujet de notre manque dans l’incompréhension de ses dires ou de ses émotions constitue un moyen d’investigation toujours plus étendu. Il permet de multiplier les opportunités du dévoilement d’un matériel psychique signifiant. Manifester ses manques et fragilités, c’est autoriser implicitement le consultant à faire de même. Par mimétisme, il découvre qu’exprimer ses failles est, non un handicap, mais une force d’avancement. Seuls ceux qui reconnaissent leurs imperfections peuvent apprendre et grandir. Enfin, restituer au sujet sa position centrale dans ce travail thérapeutique est renarcissisant durant un temps où l’identité est fragilisée. La personne intègre dans ce mouvement toute sa valeur et la responsabilité de ses actes et de son existence.

Le thérapeute est dans la curiosité du détail
L’analyse concrète et exhaustive des jeux interactionnels est essentielle à la compréhension de la souffrance du sujet. Elle permet de cerner les zones d’indifférenciation du patient. Cet éclairage donne les repères afin d’accompagner le souffrant dans une solidification de son individuation. Ils révèlent les séquences défensives et comportementales à modifier, du côté du patient, afin de se désengager de sa fonction de patient désigné. L’investigation approfondie sur les données communicationnelles vérifiables est protégée du biais des interprétations subjectivées de son locuteur. Par conséquent, ces informations mettent en relief la manière dont les conflits intérieurs du patient déforment le descriptif de la nature des échanges. Grâce à l’enquête détaillée sur les conduites verbales et infraverbales de chacun, le thérapeute peut détecter les dysfonctionnements individuels et communicationnels. Par exemple, l’étude concrète des jeux relationnels peuvent mettre en relief que celui qui se dit « méchant » est un homme non affirmé qui commence à mettre des limites à ses enfants, que celle qui se dit « mythomane » est une personne qui camoufle la problématique de jalousie excessive de son mari. La dichotomie entre l’appréciation du patient et la réalité interactionnelle est la voie indéniable d’accès à sa problématique.

L’humour du thérapeute
L’humour favorise la mise en lien et défie les peurs phobiques. Elle respecte, bien sûr, le caractère douloureux de certaines thématiques mais elle a toutefois pour ambition de rappeler la dimension profondément humaine de toute chose. Ainsi, le thérapeute peut exagérer, caricaturer certains traits de personnalité, défensifs, certains actes et pensées du patient afin de créer un temps d’une bienveillante attention et dérision. Il pointe alors la problématique enkystée derrière ces comportements rigidifiés et redondants. Des provocations enjouées telles que « Vous et votre symptôme de Jésus Christ », « Sans blague, c’était à peine prévisible de votre part ! »  aident à relativiser pour mieux se confronter au problème. L’humour peut être également exprimé en adoptant une position d’humilité. Rire de soi et de ses manques permet de transmettre au consultant une vision positive de la liberté offerte dans la reconnaissance de son incomplétude. Rire, c’est défier la peur du manque et accepter qu’être vivant, charmant, intéressant, c’est justement ne pas être parfait. L’humour crée alors un temps de complicité où deux personnes partagent leurs fragilités. Le vécu d’une relation asymétrique durant l’entretien s’estompe alors. L’identification au thérapeute peut opérer et permettre l’intégration plus aisée des différents processus psychiques encouragés durant les séances.

La provocation du thérapeute
L’attitude provocatrice peut être une manière d’utiliser le paradoxe et l’exagération dans son sens thérapeutique. Le soignant utilise cette forme communicationnelle afin de transmettre son irritation bienveillante face aux comportements démesurés et sacrificiels du souffrant à l’intérieur de son système.
« Non, non, dans l’intérêt de votre famille, je pense qu’il serait plus profitable de ne pas sortir de votre dépression ! »
« Vous n’y pensez pas qui va s’occuper de votre mari si vous travaillez à l’extérieur ? »
« Ne changez pas, la jalousie de votre femme mérite bien que vous développiez de l’agoraphobie pour ne pas l’inquiéter avec des sorties futiles ! »
« Continuez à vous jeter dans les escaliers, car tant que vous êtes la malade, vous protégez votre maman de sa peur de votre autonomisation, je pense que vous avez raison il est mieux de vouer toute sa vie à son parent ! »
 « Cher enfant, combien te payent tes parents pour chaque caprice les distrayant de leur dispute ? »

Le thérapeute favorise les temps d’intensité émotionnelle

Le symptôme porte la trace d’un contrôle et d’un refoulement excessif. Il doit alors se combattre en encourageant un lâcher-prise sur les émotions signifiantes traversant l’entretien. Pour cela, il faut repérer les épisodes narratifs de la séance particulièrement émouvants pour le consultant. Un panel de questions peuvent être posées sur cette thématique sensible afin de s’y attarder et de créer un déploiement de l’émotion en cours d’émergence. Il peut être demandé de détailler la scène interactive de l’évènement éprouvant, les affects ressentis à ce moment singulier. Le thérapeute aide le consultant à prendre conscience de l’impact émotionnel de certaines scènes durant les remémorations traumatiques.
Le thérapeute peut également favoriser les temps d’intensité affective en utilisant la métaphore « du petit enfant intérieur ». Il encourage un dialogue entre l’adulte souffrant et la part infantile résonant en lui. Cette confrontation est importante afin de transformer le rapport entre ces deux facettes identitaires trop souvent clivées. Aider le patient à écouter, à comprendre, à valoriser celui qu’il a été enfant, est opérant. Sans cette reconnaissance de cette interinfluence des deux systèmes (adulte/enfant), l’être immature, frustré et non entendu, n’aura de cesse de s’exprimer et de parasiter son chemin d’adulte.

Le thérapeute accepte et contient les régressions nécessaires à l’élaboration
Le souffrant, sur les sentiers de l’avancement, est soumis à la complexité des forces régressives. La guérison implique le démantèlement d’une posture d’indifférenciation campée. Ce remaniement nécessite de profondes transformations. Il induit donc des résistances au changement de la même ampleur. Le bruit de la douleur et la contrainte éprouvante de son éradication oblige le souffrant à traverser des temps de régressions signifiants. Le thérapeute ne doit pas être surpris de ces épisodes chaotiques et impressionnants parcourant la destructuration d’une problématique rigide. Il doit assurer la constance d’un cadre sécurisant, solide et contenant dans lequel peut se réaliser ce travail psychique intense. Sans cette capacité du soignant à garantir un cadre résistant à toute épreuve, la contenance d’un premier mouvement régressif, nécessaire à l’engagement dans un processus secondaire de transformation, risque d’être entravé. Il faut par exemple savoir  contenir, sans réprimer, des mouvements agressifs excessifs durant les premiers temps d’apprentissage maladroit d’une affirmation positive.

La suite la semaine prochaine (Partie 3)
Pour relire la première partie de cet article :