samedi 24 octobre 2015

Guérir et grandir par le symptôme | Les faux hasards de la systémique
















La représentation positive et utile du symptôme se présente comme l’outil d’une thérapeutique opérante.


Ce second ouvrage écrit par Adeline Gardinier-Salesse met en relief et rend accessible, sous un angle systémique et analytique, la clinique des faux hasards. « Guérir et grandir par le symptôme, les faux hasards de la systémique » pourrait être la maxime prometteuse d’un sujet englué dans les inadaptations de son milieu. La maladie rappelle à l’homme son appartenance à divers systèmes.

S’il ne tient pas suffisamment compte des champs de force qui l’influencent, des symptômes se manifesteront. La vie n’est que mouvement, transformation et force d’avancement. Dans un paradoxe décontenançant, la souffrance s’exprime pour aider le sujet à ne pas s’écarter de cette heureuse réalité ! L’ouvrage met ainsi en relief, au travers de vignettes cliniques variés et détaillées, la fonction constructrice du symptôme. Il approfondit ainsi la thématique principale du premier ouvrage de l'auteur, « Aider le patient à sortir de la crise, le patient est un soignant qui s'ignore ».

Des concepts nouveaux et singuliers sont développés pour approcher plus subtilement l’articulation entre la pathologie et la logique des systèmes : crise graduelle, crise finale, autant de notions clés pour mieux appréhender la cohérence fonctionnelle et structurante du symptôme. Cette perspective ouvre alors d’autres considérations thérapeutiques et existentielles. Beaucoup de phénomènes hasardeux seraient prévisibles !

Cette vision bouscule la manière dont les soignants doivent réfléchir la pertinence de leurs prises en charge : les maux somatiques et psychiques mais aussi les accidents, les désunions amoureuses et les réactions secondaires ne seraient que des pseudo-aléas. Ils viendraient révéler la trajectoire d’un sujet soumis à un déséquilibre croissant dans ses orientations systémiques entre appartenance et individuation. Les « hasards » contraignants seraient également l’indice de fortes résistances aux changements.

Au fil de son développement, la pensée originale de cet ouvrage souligne, dans une grande justesse et clarté, l’essence opérante et libératrice du symptôme !

Editeur : De Boeck Estem
Nombre de pages :  216, broché
Prix : 24 euros TTC

jeudi 22 octobre 2015

Vidéo 5 | Retranscription partie 2/3

















2° partie de la retranscription texte de la 5e vidéo d'Adeline Gardinier sur les modalités de traitement thérapeutique et phobique de la souffrance.


Exercices pratiques de traitement de la phobie

Depuis que cette réalité systémique est mieux intégrée dans ma pratique, il est plus aisé d’approcher et de contenir la souffrance. La situation pathologique est en effet respecter dans ses règles phobiques. Le souffrant est exposé à sa phobie interne comme il serait exposer à une phobie externe.

Si nous rappelons que toute problématique psychique renvoie à une peur de s’éloigner de certains codes dysfonctionnels de ses systèmes, alors il est question de confronter le souffrant à cette phobie subjectivée. Ainsi, des exercices graduels vont être présentés pour travailler ce détachement laborieux à des règles d’appartenance inadaptées.

Le thérapeute aide donc au déconditionnement de dynamique relationnelle précise et au reconditionnement sur un nouveau mode communicationnel. Selon la problématique d’individuation travaillée, l’objet précis d’élaboration sera différent.

Pour exemple, une mère disconfirmée dans son rôle parental par ses aïeux devra travailler sa peur de prendre sa place auprès de ses enfants. Elle sera soumise à une série d’exercices progressifs et modérés afin de s’affirmer auprès des ascendants et des descendants.

Un homme, à la retraite et s’étant surinvesti au travail, devra élaborer sa phobie d’implication dans son espace personnel et son espace de couple. Là encore, L’hyperactivité professionnelle s’est greffée sur un mythe collectif de perfection et donc inadapté.

L’aidant soumettra alors le souffrant à des expositions cadencées autour de nouvelles activités. Ces occupations réuniront alors les conditions de détente que le sujet n’a jamais connues.     Il faudra donc une confrontation lente à ces repères novateurs pour ne pas mobiliser des résistances au changement trop paralysantes.

Une femme violentée par son conjoint devra se dégager de l’emprise. Elle sera alors exposée à des exercices d’autonomisation et de narcissisation. L’objet phobique travaillé sera alors la séparation, l’estime de soi et le sentiment de confiance. Ces fragilités psychiques sont à relier à une passé systémique impactant. Il s’agit donc d’un objet interne à appréhender de la même manière qu’un objet externe.

L’exposition à la phobie de séparation ou d’affirmation sollicite alors des mises en situation concrètes et novatrices. Celles-ci doivent respecter le rythme progressif d’intégration des nouvelles données. Le sujet risque, en effet, de développer des résistances bruyantes s’il est trop rapidement bousculé dans ses codes de vie.

Il pourra alors être prescrit des sorites toute seule, des activités personnelles, des mises en valeur, des moyens pertinents de s’opposer….

Ces trois exemples mettent en relief la manière dont toute problématique trouve ses racines dans un évitement majeur face à des changements nécessaires. Ainsi, le respect du  processus phobique, à l’origine d’une souffrance, est essentiel dans son dénouement. Cette condition engage donc à créer un cadre spécifique d’élaboration. Celui-ci doit, en effet, offrir le rythme répétitif, lent et graduel d’exposition au changement redouté par le souffrant.

Un dialogue interne effaçant tout paradoxe

Fort de ce constat clinique, l’aidant peut alors accompagner de façon pertinente en donnant sens à tout paradoxe thérapeutique déstabilisant.

Ainsi, le thérapeute joue le rôle de la « conscience » pédagogue soutenant « l’inconscient phobique » du souffrant dans une démarche évolutive. Il transmet les règles d’adaptation au patient afin qu’un dialogue interne opérant s’engage entre les deux instances psychiques  de ce même malade. La conscience du sujet guide alors son inconscient phobique dans une dynamique singulière d’avancement.

Pour que le processus soit thérapeutique, il est nécessaire que le patient ait bien intégré certains codes paradoxaux. Il pourra ainsi plus facilement diriger son inconscient traumatisé sur les chemins de la désaliénation. Il va alors lui transmettre certaines conditions ambiguës à accepter afin d’avancer

S’éloigner pour se confronter

La première condition pourrait  s’énoncer ainsi : s’éloigner pour se confronter : Si le souffrant doit nécessairement s’exposer à sa peur d’individuation pour s’en libérer, il faut qu’il le fasse très progressivement.

Ainsi, entre deux temps confrontatifs, il doit pouvoir se ressourcer dans des espaces de non changement. Ces repères connus doivent être largement disponibles dans les débuts d’un remaniement psychique important. En effet, chaque petite réorganisation engendre  des résistances et du bruit signifiant.

Le souffrant est donc épuisé très rapidement dans les premiers temps de l’élaboration. Le cout énergétique, pour contrer les forces régressives, est prégnant. Le consultant a besoin de récupérer en s’éloignant de la source phobique.

Plus il se familiarisera à sa peur d’individuation, au fil des expositions, plus il se conditionnera aux nouveaux repères adaptés et moins il subira les effets angoissants des forces d’opposition.

Toutefois, les débuts du travail d’affirmation nécessitent, paradoxalement, des mises à distances très fréquentes. Souvent, d’ailleurs, les patients témoignent de leur besoin de se réfugier régulièrement au Centre lorsqu’ils sont dans ce temps de crise et de pleine transformation subjective. Ils expliquent qu’ils ont besoin de cette bulle médicale pour récupérer d’un stress individuel et relationnel signifiant depuis qu’ils fonctionnent différemment.

Plus les dynamiques nouvelles d’expression s’installent, moins ce besoin de retrait est nécessaire. Le sujet adhère progressivement à ce cadre de vie différent où l’élément phobique a été intégré.

Ainsi, travailler la souffrance, c’est traiter une phobie d’individuation, c’est donc s’éloigner pour se confronter et c’est aussi ralentir pour avancer.

Ralentir pour avancer

La deuxième condition paradoxale à respecter, dans le travail thérapeutique, est donc d’accepter les régressions nécessaires à la progression.

Chaque petit fléchissement d’une problématique rigide active des forces d’opposition significatives. Le cheminement doit donc se faire très lentement afin de ne pas être paralysé par des résistances trop vives. Chaque progrès entraine des tensions inconfortables.

D’ailleurs, le symptôme contient dans son essence les freins à l’avancement qu’il induit. L’inhibition fait donc partie intégrante des conditions nécessaires à l’évolution. En effet, si le trouble appelle au changement salvateur, sa forte tension assure que cette transformation ne se fasse pas brutalement. L’angoisse, la douleur, le handicap ou le pseudo-accident se rencontrent dans la pathologie pour garantir que l’avancement ne soit pas court-circuité par une adaptation trop brutale.

L’intensité de la force d’opposition est proportionnelle à l’intensité de la force de progression. Ainsi, lorsque le bruit de l’avancement est vif voire dangereux, il faut veiller à ralentir le rythme lorsque c’est possible.

Mais cela ne l’est pas toujours. Je me souviens d’ailleurs d’une dame qui avait été submergée d’angoisses effrayantes lorsque sa cousine avait brutalement évolué comme elle le souhaitait ! Le changement était certes voulu mais il avait mobilisé de fortes défenses régressives de par son caractère subit.


La 3e partie la semaine prochaine...

samedi 10 octobre 2015

Video 5 | Retranscription partie 1/3

















1° partie de la retranscription texte de la 5e vidéo d'Adeline Gardinier sur les modalités de traitement thérapeutique et phobique de la souffrance.


Bonjour, nous nous retrouvons aujourd’hui pour aborder une nouvelle dimension paradoxale du symptôme. Dans les précédentes vidéos, nous avions pu souligner, en effet, les différentes facettes surprenantes et antinomiques du symptôme. Le trouble a été ainsi défini comme thérapeutique, croissant dans les débuts d’avancement et inhérent au sujet généreux.

Dans ce chapitre, il est question de présenter le cadre spatio-temporel adéquat dans la guérison. Bizarrement, il revêt les mêmes dynamiques paradoxales que celles notées jusqu’alors. Ainsi, durant les prescriptions thérapeutiques, l’encouragement à s’éloigner pour se confronter, ralentir pour avancer est fréquemment retrouvé.

Je vous propose d’élaborer ces notions ambiguës afin de les clarifier. Sous l’angle systémique, elles perdent leur caractère flou pour révéler tout leur sens.

Le symptôme révélateur d’un manque d’individuation

Le propre d’une analyse systémique est de se vouloir exhaustive. En effet, il est question d’approcher les différents champs d’influence déterminant le fonctionnement d’un sujet. Dans cet optique, le symptôme apparait systématiquement là où le souffrant n’est pas assez dégagé de certaines croyances dysfonctionnelles de ses groupes.

Le symptôme révèle la reprise par le sujet d’un mythe groupal parasitant. Il ne parvient pas à établir des codes adaptés dans certaines situations. Il est trop collé à certains repères rigides pouvant s’exprimer dans certains de ses systèmes. Des traumas passés sont à l’origine de cet enfermement dans des règles groupales obsolètes.

Le sujet tente de se sécuriser, en vain, dans cette maîtrise de données. Il préserve ainsi des codes figés réunissant, dans leur essence, des protections excessives afin que ne se rejoue pas les douleurs collectives d’antan.

Donc, le symptôme parle d’une histoire systémique douloureuse. Il indique l’endroit où le sujet peine à se départir de la souffrance de ses systèmes. Il présente la tension des inadaptations collectives croissantes.

Si le sujet était suffisamment autonome, il refuserait de reprendre certaines valeurs groupales paralysantes. Il ne reprendrait que celles qui lui parlent pour s’identifier à ses systèmes. Le symptôme dénonce donc une phobie d’individuation. Il est porté par celui qui absorbe le stress non élaboré de son groupe.

Symptôme ou phobie d’individuation ?

Nous pouvons parler de véritable « phobie d’individuation » dans la mesure où le souffrant n’hésite pas à sacrifier sa santé pour être inconditionnellement loyal aux siens.

Ainsi, je peux oser dire que j’ai rencontré des personnes préférant se confronter à la folie, au cancer ou à l’acte suicidaire plutôt que d’avoir à remanier leurs relations à leur entourage !

La pathologie est alors signifiante. Elle condense une tension croissante à force d’évitement de la problématique d’affirmation. Le sujet s’entête à poursuivre les mêmes schémas dysfonctionnels malgré les signaux d’alerte. La peur de s’opposer à son système est plus forte que les pulsions d’autoconservation.

Cas clinique

Pour exemple, Annie avait été une "enfant" docile pendant 45 ans. Elle développait, aujourd’hui, des crises d’angoisses chaque fois qu’elle s’initiait à exprimer son avis auprès de sa mère. Cette nouvelle dynamique relationnelle suscitait, en effet, bien des peurs incontrôlables. Pourtant, l’étouffement de son être l’avait obligé à se révolter.

Toutefois, chaque minime refus, chaque mécontentement et liberté prise à l’endroit de sa mère engendraient des somatisations signifiantes. Le symptôme dénonçait la phobie d’individuation sous-jacente. Sa mère l’avait surinvesti en raison d’une histoire à ses propres parents complexes. Elle avait, en effet, dû répondre à des codes familiaux chaotiques durant son enfance. Dans la négligence et l’hyper-responsabilisation de ses jeunes années, l’histoire systémique avait résonnée.

Annie, sa fille, jouait un rôle de substitut affectif prégnant auprès d’elle. Le trouble révélait encore l’enchevêtrement d’Annie à une problématique groupale non résolue.

La souffrante ne parvenait pas à s’autonomiser psychiquement d’une mère carencée. Ce manque d’affirmation était devenu de plus en plus consistant au fil des années. Son démantèlement ne pouvait alors s’opérer que dans un bruit symptomatique signifiant.

La sévérité du trouble indiquait la rigidité des anciens codes de soumission. Elle traduisait ainsi les forces de résistances consistantes s’opposant à ce mouvement de transformation.

A partir du moment où le symptôme apparaît, il peut en être déduit que la charge d’inadaptation est importante. En effet, par définition, un symptôme condense en son cœur une forte tension.  Là où il y a symptôme, il y a donc rigidité manifeste. Dans cette optique, il est pertinent de traiter le problème en prenant en compte sa composante phobique. Plus schématiquement, on pourrait dire que derrière un symptôme se cache systématiquement une phobie psychique.

La deuxième partie la semaine prochaine...

mardi 6 octobre 2015

Vidéo | Traiter la souffrance comme une phobie d'individuation

5e vidéo d'Adeline Gardinier sur le thème des paradoxes spatio-temporaux du cadre thérapeutique.



Adeline Gardinier (psychologue clinicienne et psychothérapeute, spécialiste des thérapies familiales et systémiques) est également auteur du livre "Aider le patient à sortir de la crise, le patient est un soignant qui s'ignore" et d'un second ouvrage "Guérir et grandir par le symptôme - Les faux hasards de la systémiqueédités chez De Boeck.