lundi 2 novembre 2015

Vidéo 5 | Retranscription partie 3/3











3° partie de la retranscription texte de la 5e vidéo d'Adeline Gardinier sur les modalités de traitement thérapeutique et phobique de la souffrance.


Un processus phobique à respecter pour ne pas se décourager

L’avancement doit donc se faire très modérément. Plus la problématique est rigide, plus son assouplissement doit être lent. Il faut veiller à ce que le souffrant ne se démotive pas. S’il progresse trop rapidement, il risque de s’arrêter sous l’effet de la haute charge contraignante réactionnelle à cette prise de vitesse. 

Ainsi, j’encourage toujours le consultant à commencer par les exercices d’adaptation les moins coûteux. Ils doivent se confronter à leur phobie d’individuation progressivement. Ils peuvent ainsi modifier certains schémas individuels et relationnels au fil du temps, pratiquant des mises en situations des plus simples au plus compliqués.

Il peut, par exemple, être plus facile d’effectuer dans les débuts d’élaboration un exercice d’affirmation auprès d’un collègue plutôt qu’auprès d’un parent. L’implication est différente.

De même, la pression est largement moins prégnante lorsque le souffrant sait que son évolution doit se faire par paliers progressifs mais aussi régressifs. Il ne se culpabilise plus de ne pouvoir évoluer plus rapidement. Il comprend, au contraire, que la solidité des changements dépend de leur lente intégration. 

Ainsi, le thérapeute encourage le consultant à ne s’exposer qu’une ou deux fois sur dix à sa phobie car la réussite de l’épreuve neuf fois sur dix, dès les premiers temps, serait très défavorable. En effet, elle engendrerait des symptômes d’opposition décourageants. Cette rapide progression ne tarderait pas à s’annihiler sous le poids des forces d’inertie excessivement réveillés.

Une conclusion importante

Pour conclusion, cette approche phobique de la  souffrance, donne des clés majeures dans le traitement. Elle évite bien des biais thérapeutiques puisque elle donne sens à la dimension paradoxale du soin. L’aidant comprend combien il est important de ne pas se presser et de ne pas se confronter en permanence au problème. Cette notion est très difficile à assimiler sans le rapprochement de toute pathologie à une phobie d’individuation. 

Par contre, lorsque le souffrant est éclairé sur ce fait, il accepte plus facilement les chemins décontenançants de la guérison : explosions, régressions, répétitions, inhibition sont des processus naturels retrouvés tout au long de l’évolution. L’avancement n’est pas un chemin linéaire et serein. Il est au contraire synonyme de chaos temporaire et de ralentissements éprouvants. 

Petite anecdote parlante…

Je terminerai donc sur une anecdote illustrant l’importance d’appréhender toute problématique comme une phobie de différenciation.

Jeanne souffrait d’une dépression signifiante depuis quelques mois. Elle présentait des vertiges, des angoisses paralysantes et une addiction à l’alcool. Elle s’était séparée, depuis peu, d’un mari violent et pervers. La pathologie était apparue suite à un mouvement d’affirmation nécessaire vis-à-vis de son compagnon.

En effet, son épuisement physique et psychique l’avaient obligée à réagir. Elle avait alors présenté des comportements agressifs et des attaques de panique signifiantes. Chaque expression d’opposition provoquait des résistances internes très handicapantes.

Ainsi,  sa rébellion était maladroite et intense. Le caractère extrême de sa réponse s’expliquait par la dimension non assumée de ce nouveau comportement. Elle insultait, était très hostile et hystérique. Cette attitude désadaptée portait la charge contraignante d’un élan individuation laborieux. Chaque amorce d’expression protectrice et libératrice engendrait  une culpabilité prégnante. Ce mouvement était coûteux car il n’était pas habituel. Il portait l’excès de ce qui n’est pas encore assimilé. 

Cette réalité structurante et paradoxale devait être également intégrée par le corps soignant afin d’offrir le meilleur cadre d’accompagnement. Ainsi, il était question de contenir mais de ne pas censurer ce temps bruyant. C’était un processus naturel dans la dynamique d’avancement. Il fallait également pouvoir proposer à la patiente des hospitalisations, des espaces ressources, en fait, l’aider à s’éloigner entre deux affirmations éprouvantes. 

L’acceptation du caractère chaotique de cette phase évolutive, l’acceptation des régressions, des résistances, des phases de retrait ou de ralentissement sont ainsi les clés essentielles du traitement de la souffrance.

Pour que cette condition existe, l’aidant doit toujours avoir à l’esprit que derrière toute pathologie, il existe une phobie d’individuation.

Cet éclairage est déterminant car il permet de respecter le rythme de résolution d’un symptôme. 

Avez-vous constaté que l’échec d’un suivi découle de cette transgression des repères spatiaux-temporaux adéquats ? Qu’il s’agisse d’une légère névrose ou d’une lourde psychose, les progrès sont systématiquement constatés lorsque la problématique d’individuation, de résonance plus ou moins grave, est appréhendée dans sa dimension phobique.

Le symptôme donne la zone d’indifférenciation à travailler et la cadence à respecter.
Si le symptôme est abordé dans ce qu’il révèle de la phobie sous-jacente, la manière de le traiter devient alors évidente. Les conditions spatio-temporelles de son démantèlement, ainsi que sa source phobique sont inscrites au cœur de son expression pathogène. Il suffit de le décoder sous un angle systémique et traumatique. 

Je vous laisse ainsi réfléchir à cette vision pertinente mais, malheureusement, peu considérée, à l’heure actuelle, dans nos établissements de santé.

L’évitement phobique de cette approche opérante, dans le milieu médical, ne traduirait-il pas alors les dysfonctionnements des soignants ayant leurs propres symptômes, déniant leur problématique et ne pouvant, de ce fait, avancer favorablement ?

Le sens et la logique du symptôme se répéteraient alors ! Derrière chaque phobie psychique se cacherait un trouble signifiant à travailler ! Patients comme soignants devraient alors s’y atteler ! Je vous laisse méditer sur le sujet…