mercredi 25 mai 2016

Des enfants symptomatiques éveillant leurs parents (Partie 4/8)


Le symptôme de l’enfant ordinaire et de l’enfant éveillé : quelles différences ?


Dans une famille, il n’est pas systématique de rencontrer « ces pédagogues » en herbe. En effet, ceux-ci représentent une partie mais pas l’ensemble de la jeunesse actuelle ! Ces dernières dizaines d’années, leur nombre aurait augmenté. Il est vrai que les demandes de prise en charge dans les Centres Médico-Psychologiques pour enfants ne cessent de croître !

La majorité des enfants ne développent pas de dysfonctionnements « structurants » lorsque leurs ascendants s’orientent sur le mauvais chemin. Ils restent généralement soit distants et peu impliqués, soit impulsifs et désorganisés alimentant alors la problématique des grands !

Ainsi, tel enfant restera en retrait par rapport aux différends des parents, tel autre pourra en être affecté mais sa souffrance ne fera qu’accentuer le problème. Dans ce cas de figure, les troubles du bambin ne seront pas mis au service du dénouement des fragilités de l’ascendant. Ils seront plutôt le fruit d’un égocentrisme développé suite à des traumas ayant affaibli le narcissisme.

Dans le cas des « enfants symptomatiques éveillés », on observe un phénomène très différent. Il est fascinant de constater la manière dont leurs maux sont, au contraire, de profonds actes altruistes ! Leur forme, leur contenu, leur dynamique et leur rythme d’expression s’intriquent étroitement à la possibilité d’élaboration de la problématique systémique sous-jacente.

Prenons un exemple concret, visualisons la situation d’une mère qui est dans un contrôle excessif de son fonctionnement. Elle ne s’accorde pas de manque, de pause, de faiblesses, d’imperfection, de défaillances bienheureuses et plaisantes ! Bref, elle se crée une vie angoissante perdue dans des schémas cognitifs erronés sur « ce que doit être » le sens de sa vie ! 

La plupart des enfants vont réagir à ce système étouffant en prenant du recul, c’est-à-dire, en s’adaptant au mieux aux demandes parentales sans sacrifier leur espace d’autonomie. Pour cela, ils duperont quelquefois finement le parent pour ne pas répondre aux consignes enfermantes. Toutefois, ils le feront  discrètement afin que le parent ne se rende pas compte de la supercherie. Ainsi, l'adulte ne sera pas amené à être contrarié dans ses règles rigides d’existence. Dans cette situation, notamment, l’enfant pourra faire mine de valider tous les comportements d’hyper maîtrise désadaptés du parent. Pourtant, dans sa dynamique propre, il ne suivra pas son exemple. Il adoptera un plus grand lâcher-prise tout en étant vigilant à ce que cette dynamique ne soit pas trop manifeste aux yeux de la mère.

Dans la majorité des cas encore, pour les enfants moins astucieux, ils souffriront davantage de la problématique du parent car ils ne sauront pas « comment ne pas rentrer en résonance » avec elle. Ils l’alimenteront involontairement. Ils n’adopteront pas de stratégies de « faire-semblant » comme les enfants cités précédemment. Ils accepteront de répondre aux repères disharmonieux de la mère et en complet décalage avec la nature souple et belle de l’humain. Ils seront alors soumis, dans ce cas, à une rigidité parentale lourde à porter conduisant à des actes explosifs. La souffrance juvénile sera la résultante d’une dynamique dysfonctionnelle transmise à la nouvelle génération. Elle dénoncera une problématique narcissique signifiante née des fragilités propres du parent. Le déséquilibre interne sera alors à l’origine de symptômes lourds où l’enfant traduira toute la dynamique égocentrique et insensible que la faille de la mère aura fait naître en lui.

Donc, dans ces deux types de réactions, qu’il s’agisse de fausse acceptation ou de désadaptation acceptée, elles sont les comportements souvent adoptés par les enfants de ce monde. Les « enfants symptomatiques éveillés » présentent des fonctionnements différents. Ils semblent de plus en plus nombreux au vu des observations faites dans nos cabinets thérapeutiques. Ils présentent une générosité, un altruisme, un amour et une créativité telle qu’ils vont s’impliquer étroitement dans la problématique de la mère hyper-contrôlée et hyper-contrôlante. Ils ne vont pas alors jouer « l’indifférence intelligente » (situation 1) ou « la douleur indifférenciée » (situation 2). Ils vont exprimer des maux remplis de sens, d’intérêts, d’engagements et de volonté d’aider.

Par exemple, dans cette situation particulière, ces enfants éveillés vont trouver des stratégies très pertinentes pour confronter la mère à sa problématique erronée de maîtrise et de perfection. Ils vont exposer, graduellement, celle-ci à des obligations de lâcher-prise par des provocations et des débordements dépassant les possibilités de gestion de la mère.

Comment font- ils alors ? Ils peuvent, par exemple, ne pas faire leurs devoirs, être distraits, rêveurs, étourdis, ils peuvent prendre un ton désinvolte face à certains ordres, somatiser à des moments dérangeants pour le parent, déclencher l’imprévu ou l’insécurité, exposer à une intimité déstabilisante, exprimer du manque dans l’agressivité, dans le mal-être ou dans une attitude injuste. Bref, ils ont une grande créativité afin de transformer les situations de la vie quotidienne en parfait champ d’expérimentation et de résolution du « contrôle excessif » de cette mère paralysée !

Dans leur exercice d’exposition, ils sont sensibles à respecter les avancées du parent. En effet, ils reconnaissent et valorisent les progrès. Ainsi, dans cet exemple, l’enfant peut éprouver sa mère en la faisant travailler son déni du manque par le biais de mauvais résultats scolaires. Toutefois, il saura l’encourager dans son évolution dès que cela sera possible. Cet enfant éveillé est très aimant et peu rancunier. Lorsque sa mère répondra à ses « dysfonctionnements structurants » sans maîtrise abusive, celui-ci sera capable de rapidement abandonner ses symptômes. Par ses faibles notes, l’enfant transmet un message essentiel à son parent. Celui-ci ne peut pas tout contrôler. S’il est capable d’intégrer cette réalité sans sombrer dans un comportement excessif d’impuissance ou d’impulsivité alors la situation problématique progresse. La mère peut décider d’être plus vigilante, notamment, à superviser le travail de son enfant. Toutefois, sa capacité à accorder l’autonomie suffisante à son rejeton à l’intérieur de cet espace de surveillance sera une réussite.

L’enfant sera alors disposé à sortir aisément de ses symptômes si le parent répond favorablement à l’utilité thérapeutique de son mal ! Ici, il peut facilement accepter de faire ses devoirs dans sa chambre pendant une heure si sa mère, dans la fermeté de son recadrage, lui laisse la responsabilité  de gérer cet espace personnel. Ainsi, les troubles de l’enfant éveillé manifestent un esprit de générosité. Ils sont mis au service de l’avancement de l’adulte.

La suite (cinquième partie) la semaine prochaine...