jeudi 1 mai 2014

Crise de nerfs et autres débordements



Retrouvez-moi dans la Revue Santé Mentale d’Avril 2014 : « Crise de nerfs et autres débordements » Adeline Gardinier-Salesse.


Dans cet article, j’invite à réfléchir l’état d’agitation dans sa dimension structurante et individualisante. Il signe le laborieux mais nécessaire élan psychique du sujet afin de se désengager d’une problématique systémique rigide. Diverses vignettes cliniques sont ainsi présentées dans la chronique afin de révéler la nature non péjorative mais au contraire désaliénante du trouble, malgré son caractère bruyant et dangereux.

Un extrait cinématographique met particulièrement bien en relief cette réalité paradoxale. Dans « femme sous influence » de John Cassavetes, le personnage principal Marybel présente des états d’agitation et d’incohérence suite au double message contradictoire de son système familial. Elle est régulièrement invitée à être elle–même mais dès qu’elle énonce son authenticité, elle déchaîne des mouvements de critiques massifs de son entourage. Elle se trouve piégée dans une impossibilité à redéfinir ses fonctions dans son groupe.

Lorsqu’elle tente une échappée de son rôle de « folle », son groupe d’appartenance la somme implicitement de reprendre sa place stigmatisée. Elle est prise dans une demande intenable de changer sans changer. Elle s’éloigne alors des siens pour s’isoler dans le salon. Elle monte sur la table et s’implique dans une gestuelle énigmatique et désintriquée. Elle formule des onomatopées et manifeste des mimiques défensives.

Bref, cette conduite désorganisée rappelle le besoin de rupture et de blocage de la communication avec des proches perçus comme incernables et insécurisants. Dans cette dynamique d’agitation, elle répond également à sa mission systémique et mythique de ne pas déroger à ses fonctions pathologiques à l’intérieur de la famille.

Il est intéressant de noter la manière dont elle rétablit un comportement adapté suite au rituel d’endormissement auprès de ses enfants. L’acceptation inconditionnelle et l’amour temoignés par les petits auprès de leur mère aide celle-ci à retrouver une attitude cohérente. Elle n’est en fait pas soumise aux résistances de ses progénitures quand elle s’affiche dans son authenticité et son désir de sortir d’une place de « timbrée » assignée par sa belle-famille. Elle peut alors se dégager d’un stress intenable. Elle avait, en fait, décompensé suite à la tentative vaine et répétée d’être spontanée avec ses hôtes lors de sa sortie d’hospitalisation.

Le film se termine sur la confusion de cette femme à s’interroger sur ce qui lui « a fait perdre la tête ». Elle est loin d’être consciente de son fonctionnement symptomatique sacrificiel au service de son groupe !