samedi 1 août 2015

Vidéo 3 | Retranscription partie 2/3

















2e partie de la retranscription texte de la 3e vidéo d'Adeline Gardinier sur le thème de la recrudescence des symptômes dans les débuts de la guérison. 

Bonjour, je vous retrouve pour aborder la seconde partie de la vidéo entretien consacrée aux propriétés étonnantes du symptôme. Je vous propose dans cette séquence de poursuivre l’exploration fascinante sur l’essence de la souffrance.

Exemples cliniques
Pour illustrer ce phénomène d’accentuation symptomatique des débuts de l’avancement, je vais vous évoquer quelques prises en charge. Dans le cadre des douleurs somatiques, cette recrudescence des troubles, au début de leur expression, est particulièrement manifeste. Ainsi, une aide-soignante souffre de maux de dos.

Cette douleur l’oblige à aménager des règles quotidiennes et professionnelles plus modérées. Elle a, en cela, son sens thérapeutique. Ce remaniement engendre toutefois dans un premier temps des résistances internes et externes. Il n’est pas aisé d’intégrer un rythme de vie différent avec des pauses, des séances de yoga, des habitudes hygiéniques contrastées.

Il est laborieux de construire une plus grande affirmation dans le refus de certaines tâches. Ses collègues, son entourage et elle-même n’acceptent pas facilement ces changements fonctionnels. Il y a alors recrudescence de symptômes pendant plusieurs mois avant que le mal s’estompe. Normal, un stress adaptatif signifiant accentue maintenant la charge contraignante du handicap. Celui-ci va s’estomper au fil de l’acceptation des nouvelles règles. La patiente verra alors son trouble disparaître lorsque les nouveaux codes relationnels, qu’il a imposés, seront solidement établis !

Une recrudescence symptomatique à bien intégrer chez l’aidant
Un autre exemple parlant du processus paradoxal d’avancement  se retrouve dans les problématiques d’affirmation. Le sujet développe des troubles émotionnels et comportementaux lorsqu’il se désengage d’une posture d’abnégation. La colère, le repli dépressif, les angoisses et bien d’autres symptômes peuvent se manifester pour faciliter ce mouvement d’émancipation. Il est alors important d’être éclairé sur l’expression croissante de ces conduites et états exagérées dans les débuts de la désaliénation.

Ainsi, les soignants sont toujours très surpris des passages à l’acte hostiles et de plus en plus fréquents de leurs patients d’habitude si dociles. Pourtant, cette situation devient compréhensible lorsque l’on considère une accentuation des troubles dans les débuts de leur résolution. Ainsi, le souffrant ne se reconnait plus. Il crie, insulte, agresse, s’hystérise, peste et déborde davantage dans cette amorce d’expression personnelle.

Normal, le symptôme prend de la force sous l’effet des résistantes signifiantes des débuts d’adaptation. Ainsi, les premiers élans d’individuation déchaînent leur expression exagérée. Le sujet se présente égocentrique, agité ou invivable dans son ébauche maladroite d’affranchissement. Il nuance ce mouvement au fil d’un processus de plus en plus assumé et donc de moins en moins stressant.

Encore une fois, cette clairvoyance sur la recrudescence des symptômes, dans le dénouement d’une problématique, est essentielle. Dans ce cas particulier, l’ignorance de ce phénomène conduit les soignants à décourager et à étouffer des révoltes bien salvatrices. S’il faut contenir des pulsions débordantes, il est important de reconnaître leur caractère structurant lorsqu’elles annoncent des changements bienvenus. Il ne faut donc pas les censurer mais aider à leur apaisement dans la valorisation de ce qu’elles cherchent à introduire.

Ainsi, dans nos centres, nous aidons les personnes en cours d’affirmation à s’ajuster à ce processus sans jamais déprécier leur dynamique explosive !

La méconnaissance de cette règle amplificatrice entraîne des malentendus fort préjudiciables pour le souffrant. Il se voit, en effet court-circuité, dans sa laborieuse tentative d’affirmation. La pulsion morbide ou mortelle ne tardera pas alors à se manifester pour traduire l’échec de ce mouvement transformateur ! La pulsion d’inertie ne peut pas, en effet, s’estomper puisqu’elle n’est pas entendue dans son expression légitime et passagère lors des premières phases d’avancement.

Une situation cocasse mais thérapeutique !
Je me souviens également d’une situation assez cocasse rencontrée au centre psychothérapeutique. Une dame, prise dans des liens très symbiotiques à son conjoint, faisait des séjours réguliers dans la structure. Elle présentait une dynamique de fonctionnement psychotique.

Elle entretenait, dans son couple, une union collusive permettant de camoufler la problématique de chacun. Toutefois, la patiente évoluait au fil de ses hospitalisations. Elle renforçait son estime d’elle. Elle ressentait moins le besoin de porter les responsabilités de son compagnon au travers de ses fragilités. Ainsi, un mouvement de différenciation signifiant ne tarda pas à s’exprimer.

Toutefois, son allure déguisée créa bien des étonnements et des jugements biaisés au sein de l’équipe médicale. La recrudescence du symptôme, traduisant cet élan récent d’individuation, s’exprima par des comportements volages vis-à-vis des patients masculins du centre. Il s’agissait d’un élan grossier et non maitrisé de cette amorce d’autonomisation. Les comportements séducteurs constituaient le trouble sollicitant le changement attendu. Ils permettaient, en effet, de se décentrer du conjoint pour porter attention sur l’extérieur.

Toutefois, la charge excessive de tension, condensée dans le trouble, était logique lors des premières adaptations. Elle transformait des actes d’émancipation salvateurs en de sauvages expressions libératrices. La connaissance de ce phénomène régressif, des premiers temps de l’avancement, est alors essentielle. Elle permet des évaluations cliniques non erronées. Le souffrant est perçu dans ses progressions et non ses échecs. Le soignant peut alors soutenir le patient dans l’expression nuancée de cette nouvelle dynamique prometteuse. Il n’enraye pas une initiative favorable. Il est très facile d’anticiper les conséquences désastreuses d’une non-compréhension de ces processus psychiques paradoxaux.

Bien sûr cette réalité n’est paradoxale que parce que l’utilité du symptôme et sa recrudescence, dans ses débuts d’expression, n’est pas assez connu.

Recrudescence première dans les problématiques phobiques
Dans les problématiques phobiques, le symptôme vient en lieu et place d’une distance relationnelle à aménager entre le souffrant et certains objets extérieurs. Si le processus est bénéfique dans la dynamique protectrice qu’il introduit, l’excès de son expression est toujours très handicapant. Or, cette mise en retrait, imposée par le symptôme, s’accentue dans les débuts de sa manifestation.

Le sujet souffre du stress engendré par ses nouvelles habitudes de vie. En effet, le symptôme l’oblige à désinvestir, de manière significative, des liens psychiques trop étroits. Le mode communicationnel à autrui est brutalement bouleversé. Il produit donc une tension supplémentaire non négligeable. Celle-ci alimente la charge inhérente au symptôme lui-même.

L’inhibition excessive, retrouvée dans la problématique phobique, s’explique donc par cette règle de recrudescence des symptômes au début de leur apparition. Il ne faut pas oublier que le trouble, en lui-même, est thérapeutique.

Sa contrainte exagérée tient à sa nécessité de virulence pour parer aux résistances au changement. Le sujet phobique serait, à la base, trop impliqué émotionnellement dans les relations à autrui. Il ne saurait pas protéger son espace personnel et psychique. Les difficultés de différenciation des ses interlocuteurs interféreraient avec ses propres fragilités d’autonomisation.

L’intensité du vécu phobique serait alors proportionnelle à la rigidité de la problématique de distanciation. Plus le sujet serait enchevêtré psychiquement aux fragilités de ses systèmes, plus les pulsions d’inertie seraient importantes, plus la phobie devrait être prégnante dans ses débuts d’activation. La recrudescence des symptômes, malgré son caractère contraignant, a tout son sens structurant en phase de réorganisation première.

La 3e et dernière partie la semaine prochaine...