dimanche 20 septembre 2015

Video 4 | Retranscription partie 3/3















3° partie de la retranscription texte de la 4e vidéo d'Adeline Gardinier sur le profil psychologique du souffrant.


L’exemple parlant de Julien

Pour exemple, Julien fut un jeune homme dérangé dans son élan d’autonomisation. Lors de son hospitalisation, il avait dû cesser ses études car il présentait un fonctionnement schizoïde fort parasitant. Il venait seulement de prendre son envol depuis quelques mois lorsqu’il fut rattrapé par son statut de malade.

En effet, depuis son jeune âge, il distrayait sa mère de son vécu dépressif en jouant le patient. Sa mère était infirmière de profession. Lorsque sa vocation n’occupait pas tout son temps, elle se dévouait à soigner sa propre famille. Cette hyper-implication auprès de siens lui permettait de se décentrer de ses fragilités narcissiques et conjugales.

Ainsi, il était affolant de constater, en thérapie familiale, que la mère de Julien ne se détendait jamais. Même à la retraite, elle parcourait la France pour s’occuper des membres de son entourage.

Lorsqu’on l’interrogeait sur ses projets et ses désirs personnels, elle se fermait et s’exclamait qu’elle n’avait aucun temps pour penser à ses futilités. Julien l’a scrutée alors d’un regard soucieux, s’interrogeant sur son devenir.

Il apparaissait clairement que ce jeune homme revêtait le déguisement du malade dès qu’il sentait sa mère désemparée de ne pouvoir trouver d’autres fonctions que celles de soignante. Elle semblait paniquée à l’idée de se recentrer sur elle et de faire face à son authenticité et ses éprouvés.

En séance individuel, Julien avait donné sens systémique à sa place stigmatisée dans la famille. Il avait découvert la manière dont il sacrifiait son individualité aux fragilités de sa mère. Il la distrayait de ses affects dépressifs en mobilisant ses défenses altruistes. Bref, il l’éloignait d’une introspection pourtant nécessaire à son bien-être. Il avait également compris que cette attitude protectrice était dangereuse depuis que son père était décédé.

Dès lors, il engagea sa grande générosité dans une application permanente à ne pas inquiéter son parent. Il veilla, au contraire, à prendre un rôle solide auprès de sa mère. Il l’aida dans ses travaux et lui rappela régulièrement de prendre des espaces de détente.

Dans cet exemple, il est manifeste de constater la manière dont les qualités émotionnelles exceptionnelles, définissant le souffrant, sont en jeu dans cette réussite thérapeutique. Ainsi, Julien ne désespéra jamais de convaincre sa mère de prendre des fonctions différentes auprès de lui.

Malgré son insistance inconsciente à jouer la soignante, le jeune homme la sortit de ce scénario figé en assumant une place affirmée. Du jour où il comprit la façon dont ses symptômes entretenaient une dynamique familiale dysfonctionnelle, il décida d’exprimer sa grande empathie pour les siens d’une façon plus adaptée.

Il ne céda pas aux résistances signifiantes de son système lorsqu’il reprit un chemin plus individualisé. Il ne perdit pas de vue que les attaques, les stigmatisations, les pseudo-hasards malencontreux étaient des moyens inconscients, de la part de son groupe d’appartenance, de le rétablir dans son statut de patient.

Un dispositif thérapeutique en deux temps

En règle générale, Il est alors appréciable, durant ces temps thérapeutiques, de s’étayer sur le dévouement inconditionnel du souffrant pour parer à la rigidité de son système. Grace à sa grande générosité, le souffrant est capable de pousser son groupe vers le progrès maintenant qu’il est éclairé sur le sens de son symptôme. Il endure alors les blessantes oppositions et réactions des siens pour mener la mission qui a toujours été la sienne : aider et donner.

Désormais le symptôme peut s’effacer pour révéler le saint homme. Il brille par son esprit sage et éclairé. Il guide alors son groupe sur les chemins du bien-être. Pour cela, il ne place plus sa générosité dans un sacrifice vain mais dans la ténacité à faire avancer les siens malgré leur peur.

J’ai d’ailleurs pu constater combien il était pertinent de recevoir seul, dans un premier temps, le consultant.
Les premières séances sont alors centrées sur le décodage de l’utilité du symptôme dans un sens systémique. De quelle manière ce trouble individuel est porteur d’une tension groupale ? Quelle rigidité d’appartenance dénonce-t-il  et quel changement cherche-t-il à induire ?

Le patient prend alors conscience, durant ce travail d’élaboration, des croyances collectives dysfonctionnelles, de ses difficultés d’individuation et de la nécessité de maintenir l’équilibre de ses systèmes autrement que par le symptôme.

Le patient est éclairé sur la légitimité des résistances signifiantes d’un groupe enfermé dans des codes figés. Il peut alors se préparer à des réactions inadaptées de son entourage lorsqu’il tentera de bouger les données interactionnelles.

Cette anticipation, sous le regard connivent du thérapeute, lui permettra de tolérer davantage certaines injustices des temps d’avancement.

Ainsi, dans un deuxième temps, en présence de toute la famille, le consultant pourra mettre à profit ses qualités émotionnelles pour ne pas fléchir sous le poids des craintes exacerbées des siens. Sa générosité et bonté lui permettront de maintenir le cap, d’entrainer son système vers la désaliénation sans s’offusquer de leur opposition parfois très virulente. Il aura appris à regarder cette force d’inertie comme une peur irraisonnée de son groupe de perdre son unité. Sa tâche sera alors de leur démontrer que l’avancement est dans la confrontation et le changement.

Ce dispositif, en deux temps, est en cela très opérant car il place le consultant dans une position de co-thérapeute. Ses fonctions lui sont aisées car sa sensibilité et son implication lui permettent d’être un formidable accompagnant de son groupe.

J’ai pu constater la force de persuasion des souffrants auprès de leur famille lorsqu’il place leur dévouement au service des lois systémiques.  Ainsi, ils savent faire preuve de patience, d’amour et de non jugement pour emmener les leur sur les sentiers du mieux-être ! Eux-mêmes ont, dans un premier temps, leurs propres résistances. Ils comprennent les appréhensions de leur groupe, mieux que n’importe quel aidant.

De plus, l’amour est un solide allié pour encourager la transformation et qui de mieux placer qu’un membre du système pour convaincre l’unité dans son entier ?

Une conclusion essentielle à dégager des qualités du souffrant

Pour résumé, ce chapitre était destiné à mettre l’accent sur les qualités intrinsèques du souffrant. Sensibilité, générosité, finesse, bienveillance caractérisent le membre du système détenteur du symptôme.

La présence même du trouble témoigne d’une tension groupale endossée à un niveau individuel. Le patient porte le stress périphérique. Il se définit donc par son excès de gentillesse, d’ouverture et d’endurance. Ce regard est important à poser car le souffrant est trop souvent appréhendée dans ses comportements inadaptées.

Cette connotation positive restitue au consultant sa pleine dimension et valeur. Il y puise l’énergie de mettre ses solides richesses au service d’un but structurant et non plus stérile. De même, cette clairvoyance sur les qualités exceptionnelles du consultant permet également au thérapeute d’en faire bon usage.
Il fait ainsi du souffrant un partenaire idéal afin de mener un système dans une réorganisation nécessaire et salvatrice.
En effet, quel meilleur allié que celui qui est intégré à l’unité et qui a les qualités de cœur pour sortir les siens de ses peurs traumatiques ?