lundi 9 mai 2016

Des enfants symptomatiques éveillant leurs parents


Des enfants éveillés venus d’ailleurs


Ainsi, je me souviens du moment où j’ai réalisé pleinement la place thérapeutique que l’enfant pouvait prendre dans ses groupes d’appartenance.

Durant la même journée, deux consultantes m’avaient posé, de manière fascinante et mot pour mot, la même question : « Pensez-vous que les enfants choisissent leurs parents ? ». Cette apostrophe avait été source d’une grande surprise.

Tout d’abord, j’avais été interpellé par le caractère itératif de cette invitation à la réflexion. De plus, c’était la première fois que je me retrouvais sidérée dans ma pensée. Tous les sujets psychologiques, en effet, suscitaient chez moi d’ordinaire de vives associations idéïques.

Il était vrai que ma pratique m’exposait constamment à la dimension « angélique » de l’enfant.  Le regard des consultantes avait ouvert sur un espace spirituel fort passionnant. La difficulté à réfléchir les situations dans leur exhaustivité constitue une fragilité récurrente de l’homme. Nous avons trop tendance à considérer un pan de l’histoire en pensant qu’il reflète la globalité de la réalité ! Je remercie, chaque jour, ces personnes vivant un temps de crise car elles me rappellent combien une analyse systémique pertinente se doit d’appréhender le plus grand nombre de facteurs déterminants l’individu.

Les patientes avaient ainsi élargi mon champ de vision en attirant mon attention sur le véritable « rôle » que l’enfant pouvait revêtir parmi les siens ! Chaque jour, en séance, je constate la manière dont les comportements de ces êtres en devenir peuvent avoir du sens malgré leur apparence incontrôlée. Même si la dynamique de l’enfant répond à un registre inconscient, elle semble souvent orientée vers un but salutaire vis-à-vis des adultes.

Georg Kühlewind (Professeur, Philosophe, écrivain et pédagogue hongrois  1924-2006) a dit « Depuis une vingtaine d’années, de plus en plus d’enfants naissent, qui de par leur être et leur comportement, se démarquent de ceux auxquels les parents et les pédagogues sont habitués. Une nouvelle génération d’âmes arrive sur terre. Des enfants qui montrent une étonnante maturité, qui sont malheureux dans le monde des adultes et qui avec une puissante impulsion spirituelle, veulent transformer ce monde. Cet événement est le plus important en ces temps actuels. ».

Ces enfants sont appelés enfants surdoués, indigos, cristal ou arc en ciel. Ils se distinguent par des aptitudes et une sensibilité manifestes. Ils sont responsables, intuitifs et d’une grande maturité intellectuelle. Leur fonctionnement protecteur vis-à-vis d’autrui est impressionnant. Ils semblent dans leur dynamique vouloir « guider » afin d’induire plus d’émotivité, de simplicité, de solidarité, de sagesse, de spontanéité et de détermination chez l’homme.

Ces enfants ont ainsi une conscience supérieure et ils sont très intègres. Ces qualités sont souvent, pour eux, cause d’un sentiment de solitude et d’incompréhension dans un monde en perte de repères. Ces petits êtres respectent, de manière innée, des valeurs fondamentales que nous avons tendance à perdre au fil du temps. Ils ne comprennent pas l’inconscience, le malheur, le manque d’amour et le non respect de la nature.

Ainsi, dans leur jeune âge, ces « belles âmes » ont souvent l’impression de ne pas appartenir à ce monde. Elles peuvent avoir une enfance difficile car la société leur renvoie fréquemment qu’elles ont un fonctionnement « anormal». Elles doutent d’elles-mêmes et se croient inadaptées. Elles discréditent alors certaines perceptions, intuitions, pensées et réactions internes. Ces êtres merveilleux, selon les guides spirituels, seraient des « êtres lumières » venus pour nous aider à évoluer.

Leur épanouissement serait alors possible lorsqu’ils se remémoreraient leur mission de vie.
Tout prendrait sens pour eux lorsqu’ils intégreraient la vérité de leur sagesse et de leurs croyances profondes. Ils développeraient alors leur expression d’être, conscients désormais que celle-ci n’est pas nuisible mais au service du bien-être d’autrui.

Leur réel éclairage sur leur identité leur permettrait alors d’œuvrer plus adéquatement à leur but en prenant conscience des fragilités de leurs prochains. Ils respecteraient davantage le rythme de ceux-ci. Ces enfants symptomatiques choisiraient volontairement d’aider les « hommes » qui sont contraints par leur aveuglement !

La suite (troisième partie) la semaine prochaine...

Des enfants symptomatiques éveillant leurs parents



L’enfant « thérapeute en herbe » : créateur d’un symptôme fonctionnel


Le symptôme est surprenant dans ses dimensions bienfaitrices. Derrière son bruit trompeur, il revêt une dimension thérapeutique imperceptible dans son appréhension première. 

Le symptôme est encore plus déstabilisant dans sa nature constructrice lorsqu’il s’exprime au travers d’enfants apparemment ingénus ! Le paradoxe se double alors dans ses teintes. En séance, quel constat fascinant de réaliser la manière dont ces « thérapeutes en herbe » usent de leurs maux pour faire évoluer les grands !

Beaucoup d’entretiens systémiques, menés en présence de nos chers bambins, mettent en relief cette réalité ! Nous les voyons s’agiter, retenir notre attention, présenter des comportements énigmatiques lorsque les adultes abordent un sujet signifiant. Ils dessinent, créent des scénarios donnant des pistes de réponses à la problématique. Ils adoptent une posture, une place, un regard, un parler ou des réactions à décoder dans leur sens évolutif. 

Ainsi, on peut citer quelques exemples explicites :

- Romane, une jeune enfant psychotique cesse, en séances, d’avoir toujours son regard tourné vers le haut lorsque ses grands-parents et ses parents abordent le sujet tabou de la mort en bas âge d’un l’oncle. Cet enchainement est saisissant !

- Lucas parle facilement aux étrangers. Lors des sorties, il réclame l’aide ou l’attention de passants dans la rue. Il demande à jouer avec eux. De cette manière, il interpelle sa mère sur son incapacité à créer des liens sociaux. Il l’oblige, chaque jour, à se confronter à sa problématique relationnelle et phobique.

- Une fillette Alice perturbe systématiquement les échanges affectifs du couple parental lorsqu’ils ont tendance à partager plus d’intimité. Le père se centre alors entièrement sur les demandes de l’enfant pour les satisfaire. Son comportement permet de mettre en relief la mauvaise délimitation des frontières intergénérationnelles.

- Julien emprunte un langage trivial pour s’adresser à ses parents lors des échanges thérapeutiques. Il dénonce et provoque sa famille afin que celle-ci sorte d’un faux-semblant de perfection. Il tente ainsi de court-circuiter un fonctionnement dans le faire-paraitre déstructurant pour le groupe.

- Jessica interrompt fréquemment la psychologue pour poser incessamment la même question « est-ce que j’ai l’air méchante ? ». Elle met en relief la lourdeur de son système pris dans des principes religieux rigidifiés et fort culpabilisants.

Ces quelques situations thérapeutiques témoignent de la valence fonctionnelle d’une expression juvénile « pseudo-innocente ».  Le symptôme de l’enfant renvoie, en miroir, une problématique non réglée et à travailler par les adultes. Le petit d’homme est en fait un grand informateur et un grand enseignant. Il possède une créativité insoupçonnée lorsqu’il s’agit d’aider ses ascendants à se défaire de fausses croyances douloureuses. Le symptôme et lui-même s’associent alors dans des mises en scène « magiques » pour provoquer un dénouement bienheureux ! 

L’enfant et le symptôme : un duo bruyant orchestrant un monde meilleur


Le symptôme de l’enfant agit doublement dans ses effets de conviction. Par sa nature contraignante, le symptôme motive davantage une personne à opérer les changements thérapeutiques induits en son cœur. De plus, en ciblant l’enfant, le symptôme engage, avec plus de force, les avancements d’un sujet adulte. Celui-ci est, en effet, animé généralement d’un profond besoin de protection de sa descendance.

Bref, le symptôme et l’enfant s’allient dans des stratégies subtiles afin de faire évoluer les grands ! Très souvent leur ingéniosité mutuelle, dans ce travail complexe, laisse bouche baie. L’horlogerie est magnifiquement réglée : la forme et le contenu du symptôme sont justes. L’expression propice du symptôme est orchestrée par l’enfant pour résonner adéquatement. L’enfant et le symptôme forment un formidable duo pour « matérialiser » le problème et le dissoudre progressivement. Toutefois, par leur fonctionnement dérangeant, ils ne se présentent pas facilement comme des outils d’aide opportuns et pourtant ! 

Les enfants induisent, dans leurs troubles, des situations exposant les parents à l’élaboration de leurs propres problèmes ! Julia avait le don de s’attirer les foudres injustes des camarades et des professeurs. Curieusement, ce vécu obligeait sa mère à dépasser une de ses principales problématiques: l’affirmation. Son amour pour sa fille et la justice était tellement puissant qu’il constituait le moteur à sa capacité de s’opposer. Julia avait, avec beaucoup de finesse et de créativité, constitué le scénario idéal afin d’entraîner sa mère sur des chemins structurants. Elle avait su mobiliser l’énergie passionnée de sa mère en rassemblant ses forces libidinales essentielles : son amour maternel et son amour de l’éthique.

Cette brève anecdote est représentative d’un grand nombre de prises en charge où l’enfant se présente comme le détonateur nécessaire à l’évolution de tout un système enkysté !

La suite (deuxième partie) la semaine prochaine...