dimanche 27 décembre 2015

Bonne Année 2016




























Je souhaite à tous une bonne et heureuse année 2016 !
Adeline Gardinier.

lundi 2 novembre 2015

Vidéo 5 | Retranscription partie 3/3











3° partie de la retranscription texte de la 5e vidéo d'Adeline Gardinier sur les modalités de traitement thérapeutique et phobique de la souffrance.


Un processus phobique à respecter pour ne pas se décourager

L’avancement doit donc se faire très modérément. Plus la problématique est rigide, plus son assouplissement doit être lent. Il faut veiller à ce que le souffrant ne se démotive pas. S’il progresse trop rapidement, il risque de s’arrêter sous l’effet de la haute charge contraignante réactionnelle à cette prise de vitesse. 

Ainsi, j’encourage toujours le consultant à commencer par les exercices d’adaptation les moins coûteux. Ils doivent se confronter à leur phobie d’individuation progressivement. Ils peuvent ainsi modifier certains schémas individuels et relationnels au fil du temps, pratiquant des mises en situations des plus simples au plus compliqués.

Il peut, par exemple, être plus facile d’effectuer dans les débuts d’élaboration un exercice d’affirmation auprès d’un collègue plutôt qu’auprès d’un parent. L’implication est différente.

De même, la pression est largement moins prégnante lorsque le souffrant sait que son évolution doit se faire par paliers progressifs mais aussi régressifs. Il ne se culpabilise plus de ne pouvoir évoluer plus rapidement. Il comprend, au contraire, que la solidité des changements dépend de leur lente intégration. 

Ainsi, le thérapeute encourage le consultant à ne s’exposer qu’une ou deux fois sur dix à sa phobie car la réussite de l’épreuve neuf fois sur dix, dès les premiers temps, serait très défavorable. En effet, elle engendrerait des symptômes d’opposition décourageants. Cette rapide progression ne tarderait pas à s’annihiler sous le poids des forces d’inertie excessivement réveillés.

Une conclusion importante

Pour conclusion, cette approche phobique de la  souffrance, donne des clés majeures dans le traitement. Elle évite bien des biais thérapeutiques puisque elle donne sens à la dimension paradoxale du soin. L’aidant comprend combien il est important de ne pas se presser et de ne pas se confronter en permanence au problème. Cette notion est très difficile à assimiler sans le rapprochement de toute pathologie à une phobie d’individuation. 

Par contre, lorsque le souffrant est éclairé sur ce fait, il accepte plus facilement les chemins décontenançants de la guérison : explosions, régressions, répétitions, inhibition sont des processus naturels retrouvés tout au long de l’évolution. L’avancement n’est pas un chemin linéaire et serein. Il est au contraire synonyme de chaos temporaire et de ralentissements éprouvants. 

Petite anecdote parlante…

Je terminerai donc sur une anecdote illustrant l’importance d’appréhender toute problématique comme une phobie de différenciation.

Jeanne souffrait d’une dépression signifiante depuis quelques mois. Elle présentait des vertiges, des angoisses paralysantes et une addiction à l’alcool. Elle s’était séparée, depuis peu, d’un mari violent et pervers. La pathologie était apparue suite à un mouvement d’affirmation nécessaire vis-à-vis de son compagnon.

En effet, son épuisement physique et psychique l’avaient obligée à réagir. Elle avait alors présenté des comportements agressifs et des attaques de panique signifiantes. Chaque expression d’opposition provoquait des résistances internes très handicapantes.

Ainsi,  sa rébellion était maladroite et intense. Le caractère extrême de sa réponse s’expliquait par la dimension non assumée de ce nouveau comportement. Elle insultait, était très hostile et hystérique. Cette attitude désadaptée portait la charge contraignante d’un élan individuation laborieux. Chaque amorce d’expression protectrice et libératrice engendrait  une culpabilité prégnante. Ce mouvement était coûteux car il n’était pas habituel. Il portait l’excès de ce qui n’est pas encore assimilé. 

Cette réalité structurante et paradoxale devait être également intégrée par le corps soignant afin d’offrir le meilleur cadre d’accompagnement. Ainsi, il était question de contenir mais de ne pas censurer ce temps bruyant. C’était un processus naturel dans la dynamique d’avancement. Il fallait également pouvoir proposer à la patiente des hospitalisations, des espaces ressources, en fait, l’aider à s’éloigner entre deux affirmations éprouvantes. 

L’acceptation du caractère chaotique de cette phase évolutive, l’acceptation des régressions, des résistances, des phases de retrait ou de ralentissement sont ainsi les clés essentielles du traitement de la souffrance.

Pour que cette condition existe, l’aidant doit toujours avoir à l’esprit que derrière toute pathologie, il existe une phobie d’individuation.

Cet éclairage est déterminant car il permet de respecter le rythme de résolution d’un symptôme. 

Avez-vous constaté que l’échec d’un suivi découle de cette transgression des repères spatiaux-temporaux adéquats ? Qu’il s’agisse d’une légère névrose ou d’une lourde psychose, les progrès sont systématiquement constatés lorsque la problématique d’individuation, de résonance plus ou moins grave, est appréhendée dans sa dimension phobique.

Le symptôme donne la zone d’indifférenciation à travailler et la cadence à respecter.
Si le symptôme est abordé dans ce qu’il révèle de la phobie sous-jacente, la manière de le traiter devient alors évidente. Les conditions spatio-temporelles de son démantèlement, ainsi que sa source phobique sont inscrites au cœur de son expression pathogène. Il suffit de le décoder sous un angle systémique et traumatique. 

Je vous laisse ainsi réfléchir à cette vision pertinente mais, malheureusement, peu considérée, à l’heure actuelle, dans nos établissements de santé.

L’évitement phobique de cette approche opérante, dans le milieu médical, ne traduirait-il pas alors les dysfonctionnements des soignants ayant leurs propres symptômes, déniant leur problématique et ne pouvant, de ce fait, avancer favorablement ?

Le sens et la logique du symptôme se répéteraient alors ! Derrière chaque phobie psychique se cacherait un trouble signifiant à travailler ! Patients comme soignants devraient alors s’y atteler ! Je vous laisse méditer sur le sujet…

samedi 24 octobre 2015

Guérir et grandir par le symptôme | Les faux hasards de la systémique
















La représentation positive et utile du symptôme se présente comme l’outil d’une thérapeutique opérante.


Ce second ouvrage écrit par Adeline Gardinier-Salesse met en relief et rend accessible, sous un angle systémique et analytique, la clinique des faux hasards. « Guérir et grandir par le symptôme, les faux hasards de la systémique » pourrait être la maxime prometteuse d’un sujet englué dans les inadaptations de son milieu. La maladie rappelle à l’homme son appartenance à divers systèmes.

S’il ne tient pas suffisamment compte des champs de force qui l’influencent, des symptômes se manifesteront. La vie n’est que mouvement, transformation et force d’avancement. Dans un paradoxe décontenançant, la souffrance s’exprime pour aider le sujet à ne pas s’écarter de cette heureuse réalité ! L’ouvrage met ainsi en relief, au travers de vignettes cliniques variés et détaillées, la fonction constructrice du symptôme. Il approfondit ainsi la thématique principale du premier ouvrage de l'auteur, « Aider le patient à sortir de la crise, le patient est un soignant qui s'ignore ».

Des concepts nouveaux et singuliers sont développés pour approcher plus subtilement l’articulation entre la pathologie et la logique des systèmes : crise graduelle, crise finale, autant de notions clés pour mieux appréhender la cohérence fonctionnelle et structurante du symptôme. Cette perspective ouvre alors d’autres considérations thérapeutiques et existentielles. Beaucoup de phénomènes hasardeux seraient prévisibles !

Cette vision bouscule la manière dont les soignants doivent réfléchir la pertinence de leurs prises en charge : les maux somatiques et psychiques mais aussi les accidents, les désunions amoureuses et les réactions secondaires ne seraient que des pseudo-aléas. Ils viendraient révéler la trajectoire d’un sujet soumis à un déséquilibre croissant dans ses orientations systémiques entre appartenance et individuation. Les « hasards » contraignants seraient également l’indice de fortes résistances aux changements.

Au fil de son développement, la pensée originale de cet ouvrage souligne, dans une grande justesse et clarté, l’essence opérante et libératrice du symptôme !

Editeur : De Boeck Estem
Nombre de pages :  216, broché
Prix : 24 euros TTC

jeudi 22 octobre 2015

Vidéo 5 | Retranscription partie 2/3

















2° partie de la retranscription texte de la 5e vidéo d'Adeline Gardinier sur les modalités de traitement thérapeutique et phobique de la souffrance.


Exercices pratiques de traitement de la phobie

Depuis que cette réalité systémique est mieux intégrée dans ma pratique, il est plus aisé d’approcher et de contenir la souffrance. La situation pathologique est en effet respecter dans ses règles phobiques. Le souffrant est exposé à sa phobie interne comme il serait exposer à une phobie externe.

Si nous rappelons que toute problématique psychique renvoie à une peur de s’éloigner de certains codes dysfonctionnels de ses systèmes, alors il est question de confronter le souffrant à cette phobie subjectivée. Ainsi, des exercices graduels vont être présentés pour travailler ce détachement laborieux à des règles d’appartenance inadaptées.

Le thérapeute aide donc au déconditionnement de dynamique relationnelle précise et au reconditionnement sur un nouveau mode communicationnel. Selon la problématique d’individuation travaillée, l’objet précis d’élaboration sera différent.

Pour exemple, une mère disconfirmée dans son rôle parental par ses aïeux devra travailler sa peur de prendre sa place auprès de ses enfants. Elle sera soumise à une série d’exercices progressifs et modérés afin de s’affirmer auprès des ascendants et des descendants.

Un homme, à la retraite et s’étant surinvesti au travail, devra élaborer sa phobie d’implication dans son espace personnel et son espace de couple. Là encore, L’hyperactivité professionnelle s’est greffée sur un mythe collectif de perfection et donc inadapté.

L’aidant soumettra alors le souffrant à des expositions cadencées autour de nouvelles activités. Ces occupations réuniront alors les conditions de détente que le sujet n’a jamais connues.     Il faudra donc une confrontation lente à ces repères novateurs pour ne pas mobiliser des résistances au changement trop paralysantes.

Une femme violentée par son conjoint devra se dégager de l’emprise. Elle sera alors exposée à des exercices d’autonomisation et de narcissisation. L’objet phobique travaillé sera alors la séparation, l’estime de soi et le sentiment de confiance. Ces fragilités psychiques sont à relier à une passé systémique impactant. Il s’agit donc d’un objet interne à appréhender de la même manière qu’un objet externe.

L’exposition à la phobie de séparation ou d’affirmation sollicite alors des mises en situation concrètes et novatrices. Celles-ci doivent respecter le rythme progressif d’intégration des nouvelles données. Le sujet risque, en effet, de développer des résistances bruyantes s’il est trop rapidement bousculé dans ses codes de vie.

Il pourra alors être prescrit des sorites toute seule, des activités personnelles, des mises en valeur, des moyens pertinents de s’opposer….

Ces trois exemples mettent en relief la manière dont toute problématique trouve ses racines dans un évitement majeur face à des changements nécessaires. Ainsi, le respect du  processus phobique, à l’origine d’une souffrance, est essentiel dans son dénouement. Cette condition engage donc à créer un cadre spécifique d’élaboration. Celui-ci doit, en effet, offrir le rythme répétitif, lent et graduel d’exposition au changement redouté par le souffrant.

Un dialogue interne effaçant tout paradoxe

Fort de ce constat clinique, l’aidant peut alors accompagner de façon pertinente en donnant sens à tout paradoxe thérapeutique déstabilisant.

Ainsi, le thérapeute joue le rôle de la « conscience » pédagogue soutenant « l’inconscient phobique » du souffrant dans une démarche évolutive. Il transmet les règles d’adaptation au patient afin qu’un dialogue interne opérant s’engage entre les deux instances psychiques  de ce même malade. La conscience du sujet guide alors son inconscient phobique dans une dynamique singulière d’avancement.

Pour que le processus soit thérapeutique, il est nécessaire que le patient ait bien intégré certains codes paradoxaux. Il pourra ainsi plus facilement diriger son inconscient traumatisé sur les chemins de la désaliénation. Il va alors lui transmettre certaines conditions ambiguës à accepter afin d’avancer

S’éloigner pour se confronter

La première condition pourrait  s’énoncer ainsi : s’éloigner pour se confronter : Si le souffrant doit nécessairement s’exposer à sa peur d’individuation pour s’en libérer, il faut qu’il le fasse très progressivement.

Ainsi, entre deux temps confrontatifs, il doit pouvoir se ressourcer dans des espaces de non changement. Ces repères connus doivent être largement disponibles dans les débuts d’un remaniement psychique important. En effet, chaque petite réorganisation engendre  des résistances et du bruit signifiant.

Le souffrant est donc épuisé très rapidement dans les premiers temps de l’élaboration. Le cout énergétique, pour contrer les forces régressives, est prégnant. Le consultant a besoin de récupérer en s’éloignant de la source phobique.

Plus il se familiarisera à sa peur d’individuation, au fil des expositions, plus il se conditionnera aux nouveaux repères adaptés et moins il subira les effets angoissants des forces d’opposition.

Toutefois, les débuts du travail d’affirmation nécessitent, paradoxalement, des mises à distances très fréquentes. Souvent, d’ailleurs, les patients témoignent de leur besoin de se réfugier régulièrement au Centre lorsqu’ils sont dans ce temps de crise et de pleine transformation subjective. Ils expliquent qu’ils ont besoin de cette bulle médicale pour récupérer d’un stress individuel et relationnel signifiant depuis qu’ils fonctionnent différemment.

Plus les dynamiques nouvelles d’expression s’installent, moins ce besoin de retrait est nécessaire. Le sujet adhère progressivement à ce cadre de vie différent où l’élément phobique a été intégré.

Ainsi, travailler la souffrance, c’est traiter une phobie d’individuation, c’est donc s’éloigner pour se confronter et c’est aussi ralentir pour avancer.

Ralentir pour avancer

La deuxième condition paradoxale à respecter, dans le travail thérapeutique, est donc d’accepter les régressions nécessaires à la progression.

Chaque petit fléchissement d’une problématique rigide active des forces d’opposition significatives. Le cheminement doit donc se faire très lentement afin de ne pas être paralysé par des résistances trop vives. Chaque progrès entraine des tensions inconfortables.

D’ailleurs, le symptôme contient dans son essence les freins à l’avancement qu’il induit. L’inhibition fait donc partie intégrante des conditions nécessaires à l’évolution. En effet, si le trouble appelle au changement salvateur, sa forte tension assure que cette transformation ne se fasse pas brutalement. L’angoisse, la douleur, le handicap ou le pseudo-accident se rencontrent dans la pathologie pour garantir que l’avancement ne soit pas court-circuité par une adaptation trop brutale.

L’intensité de la force d’opposition est proportionnelle à l’intensité de la force de progression. Ainsi, lorsque le bruit de l’avancement est vif voire dangereux, il faut veiller à ralentir le rythme lorsque c’est possible.

Mais cela ne l’est pas toujours. Je me souviens d’ailleurs d’une dame qui avait été submergée d’angoisses effrayantes lorsque sa cousine avait brutalement évolué comme elle le souhaitait ! Le changement était certes voulu mais il avait mobilisé de fortes défenses régressives de par son caractère subit.


La 3e partie la semaine prochaine...

samedi 10 octobre 2015

Video 5 | Retranscription partie 1/3

















1° partie de la retranscription texte de la 5e vidéo d'Adeline Gardinier sur les modalités de traitement thérapeutique et phobique de la souffrance.


Bonjour, nous nous retrouvons aujourd’hui pour aborder une nouvelle dimension paradoxale du symptôme. Dans les précédentes vidéos, nous avions pu souligner, en effet, les différentes facettes surprenantes et antinomiques du symptôme. Le trouble a été ainsi défini comme thérapeutique, croissant dans les débuts d’avancement et inhérent au sujet généreux.

Dans ce chapitre, il est question de présenter le cadre spatio-temporel adéquat dans la guérison. Bizarrement, il revêt les mêmes dynamiques paradoxales que celles notées jusqu’alors. Ainsi, durant les prescriptions thérapeutiques, l’encouragement à s’éloigner pour se confronter, ralentir pour avancer est fréquemment retrouvé.

Je vous propose d’élaborer ces notions ambiguës afin de les clarifier. Sous l’angle systémique, elles perdent leur caractère flou pour révéler tout leur sens.

Le symptôme révélateur d’un manque d’individuation

Le propre d’une analyse systémique est de se vouloir exhaustive. En effet, il est question d’approcher les différents champs d’influence déterminant le fonctionnement d’un sujet. Dans cet optique, le symptôme apparait systématiquement là où le souffrant n’est pas assez dégagé de certaines croyances dysfonctionnelles de ses groupes.

Le symptôme révèle la reprise par le sujet d’un mythe groupal parasitant. Il ne parvient pas à établir des codes adaptés dans certaines situations. Il est trop collé à certains repères rigides pouvant s’exprimer dans certains de ses systèmes. Des traumas passés sont à l’origine de cet enfermement dans des règles groupales obsolètes.

Le sujet tente de se sécuriser, en vain, dans cette maîtrise de données. Il préserve ainsi des codes figés réunissant, dans leur essence, des protections excessives afin que ne se rejoue pas les douleurs collectives d’antan.

Donc, le symptôme parle d’une histoire systémique douloureuse. Il indique l’endroit où le sujet peine à se départir de la souffrance de ses systèmes. Il présente la tension des inadaptations collectives croissantes.

Si le sujet était suffisamment autonome, il refuserait de reprendre certaines valeurs groupales paralysantes. Il ne reprendrait que celles qui lui parlent pour s’identifier à ses systèmes. Le symptôme dénonce donc une phobie d’individuation. Il est porté par celui qui absorbe le stress non élaboré de son groupe.

Symptôme ou phobie d’individuation ?

Nous pouvons parler de véritable « phobie d’individuation » dans la mesure où le souffrant n’hésite pas à sacrifier sa santé pour être inconditionnellement loyal aux siens.

Ainsi, je peux oser dire que j’ai rencontré des personnes préférant se confronter à la folie, au cancer ou à l’acte suicidaire plutôt que d’avoir à remanier leurs relations à leur entourage !

La pathologie est alors signifiante. Elle condense une tension croissante à force d’évitement de la problématique d’affirmation. Le sujet s’entête à poursuivre les mêmes schémas dysfonctionnels malgré les signaux d’alerte. La peur de s’opposer à son système est plus forte que les pulsions d’autoconservation.

Cas clinique

Pour exemple, Annie avait été une "enfant" docile pendant 45 ans. Elle développait, aujourd’hui, des crises d’angoisses chaque fois qu’elle s’initiait à exprimer son avis auprès de sa mère. Cette nouvelle dynamique relationnelle suscitait, en effet, bien des peurs incontrôlables. Pourtant, l’étouffement de son être l’avait obligé à se révolter.

Toutefois, chaque minime refus, chaque mécontentement et liberté prise à l’endroit de sa mère engendraient des somatisations signifiantes. Le symptôme dénonçait la phobie d’individuation sous-jacente. Sa mère l’avait surinvesti en raison d’une histoire à ses propres parents complexes. Elle avait, en effet, dû répondre à des codes familiaux chaotiques durant son enfance. Dans la négligence et l’hyper-responsabilisation de ses jeunes années, l’histoire systémique avait résonnée.

Annie, sa fille, jouait un rôle de substitut affectif prégnant auprès d’elle. Le trouble révélait encore l’enchevêtrement d’Annie à une problématique groupale non résolue.

La souffrante ne parvenait pas à s’autonomiser psychiquement d’une mère carencée. Ce manque d’affirmation était devenu de plus en plus consistant au fil des années. Son démantèlement ne pouvait alors s’opérer que dans un bruit symptomatique signifiant.

La sévérité du trouble indiquait la rigidité des anciens codes de soumission. Elle traduisait ainsi les forces de résistances consistantes s’opposant à ce mouvement de transformation.

A partir du moment où le symptôme apparaît, il peut en être déduit que la charge d’inadaptation est importante. En effet, par définition, un symptôme condense en son cœur une forte tension.  Là où il y a symptôme, il y a donc rigidité manifeste. Dans cette optique, il est pertinent de traiter le problème en prenant en compte sa composante phobique. Plus schématiquement, on pourrait dire que derrière un symptôme se cache systématiquement une phobie psychique.

La deuxième partie la semaine prochaine...

mardi 6 octobre 2015

Vidéo | Traiter la souffrance comme une phobie d'individuation

5e vidéo d'Adeline Gardinier sur le thème des paradoxes spatio-temporaux du cadre thérapeutique.



Adeline Gardinier (psychologue clinicienne et psychothérapeute, spécialiste des thérapies familiales et systémiques) est également auteur du livre "Aider le patient à sortir de la crise, le patient est un soignant qui s'ignore" et d'un second ouvrage "Guérir et grandir par le symptôme - Les faux hasards de la systémiqueédités chez De Boeck.

dimanche 20 septembre 2015

Video 4 | Retranscription partie 3/3















3° partie de la retranscription texte de la 4e vidéo d'Adeline Gardinier sur le profil psychologique du souffrant.


L’exemple parlant de Julien

Pour exemple, Julien fut un jeune homme dérangé dans son élan d’autonomisation. Lors de son hospitalisation, il avait dû cesser ses études car il présentait un fonctionnement schizoïde fort parasitant. Il venait seulement de prendre son envol depuis quelques mois lorsqu’il fut rattrapé par son statut de malade.

En effet, depuis son jeune âge, il distrayait sa mère de son vécu dépressif en jouant le patient. Sa mère était infirmière de profession. Lorsque sa vocation n’occupait pas tout son temps, elle se dévouait à soigner sa propre famille. Cette hyper-implication auprès de siens lui permettait de se décentrer de ses fragilités narcissiques et conjugales.

Ainsi, il était affolant de constater, en thérapie familiale, que la mère de Julien ne se détendait jamais. Même à la retraite, elle parcourait la France pour s’occuper des membres de son entourage.

Lorsqu’on l’interrogeait sur ses projets et ses désirs personnels, elle se fermait et s’exclamait qu’elle n’avait aucun temps pour penser à ses futilités. Julien l’a scrutée alors d’un regard soucieux, s’interrogeant sur son devenir.

Il apparaissait clairement que ce jeune homme revêtait le déguisement du malade dès qu’il sentait sa mère désemparée de ne pouvoir trouver d’autres fonctions que celles de soignante. Elle semblait paniquée à l’idée de se recentrer sur elle et de faire face à son authenticité et ses éprouvés.

En séance individuel, Julien avait donné sens systémique à sa place stigmatisée dans la famille. Il avait découvert la manière dont il sacrifiait son individualité aux fragilités de sa mère. Il la distrayait de ses affects dépressifs en mobilisant ses défenses altruistes. Bref, il l’éloignait d’une introspection pourtant nécessaire à son bien-être. Il avait également compris que cette attitude protectrice était dangereuse depuis que son père était décédé.

Dès lors, il engagea sa grande générosité dans une application permanente à ne pas inquiéter son parent. Il veilla, au contraire, à prendre un rôle solide auprès de sa mère. Il l’aida dans ses travaux et lui rappela régulièrement de prendre des espaces de détente.

Dans cet exemple, il est manifeste de constater la manière dont les qualités émotionnelles exceptionnelles, définissant le souffrant, sont en jeu dans cette réussite thérapeutique. Ainsi, Julien ne désespéra jamais de convaincre sa mère de prendre des fonctions différentes auprès de lui.

Malgré son insistance inconsciente à jouer la soignante, le jeune homme la sortit de ce scénario figé en assumant une place affirmée. Du jour où il comprit la façon dont ses symptômes entretenaient une dynamique familiale dysfonctionnelle, il décida d’exprimer sa grande empathie pour les siens d’une façon plus adaptée.

Il ne céda pas aux résistances signifiantes de son système lorsqu’il reprit un chemin plus individualisé. Il ne perdit pas de vue que les attaques, les stigmatisations, les pseudo-hasards malencontreux étaient des moyens inconscients, de la part de son groupe d’appartenance, de le rétablir dans son statut de patient.

Un dispositif thérapeutique en deux temps

En règle générale, Il est alors appréciable, durant ces temps thérapeutiques, de s’étayer sur le dévouement inconditionnel du souffrant pour parer à la rigidité de son système. Grace à sa grande générosité, le souffrant est capable de pousser son groupe vers le progrès maintenant qu’il est éclairé sur le sens de son symptôme. Il endure alors les blessantes oppositions et réactions des siens pour mener la mission qui a toujours été la sienne : aider et donner.

Désormais le symptôme peut s’effacer pour révéler le saint homme. Il brille par son esprit sage et éclairé. Il guide alors son groupe sur les chemins du bien-être. Pour cela, il ne place plus sa générosité dans un sacrifice vain mais dans la ténacité à faire avancer les siens malgré leur peur.

J’ai d’ailleurs pu constater combien il était pertinent de recevoir seul, dans un premier temps, le consultant.
Les premières séances sont alors centrées sur le décodage de l’utilité du symptôme dans un sens systémique. De quelle manière ce trouble individuel est porteur d’une tension groupale ? Quelle rigidité d’appartenance dénonce-t-il  et quel changement cherche-t-il à induire ?

Le patient prend alors conscience, durant ce travail d’élaboration, des croyances collectives dysfonctionnelles, de ses difficultés d’individuation et de la nécessité de maintenir l’équilibre de ses systèmes autrement que par le symptôme.

Le patient est éclairé sur la légitimité des résistances signifiantes d’un groupe enfermé dans des codes figés. Il peut alors se préparer à des réactions inadaptées de son entourage lorsqu’il tentera de bouger les données interactionnelles.

Cette anticipation, sous le regard connivent du thérapeute, lui permettra de tolérer davantage certaines injustices des temps d’avancement.

Ainsi, dans un deuxième temps, en présence de toute la famille, le consultant pourra mettre à profit ses qualités émotionnelles pour ne pas fléchir sous le poids des craintes exacerbées des siens. Sa générosité et bonté lui permettront de maintenir le cap, d’entrainer son système vers la désaliénation sans s’offusquer de leur opposition parfois très virulente. Il aura appris à regarder cette force d’inertie comme une peur irraisonnée de son groupe de perdre son unité. Sa tâche sera alors de leur démontrer que l’avancement est dans la confrontation et le changement.

Ce dispositif, en deux temps, est en cela très opérant car il place le consultant dans une position de co-thérapeute. Ses fonctions lui sont aisées car sa sensibilité et son implication lui permettent d’être un formidable accompagnant de son groupe.

J’ai pu constater la force de persuasion des souffrants auprès de leur famille lorsqu’il place leur dévouement au service des lois systémiques.  Ainsi, ils savent faire preuve de patience, d’amour et de non jugement pour emmener les leur sur les sentiers du mieux-être ! Eux-mêmes ont, dans un premier temps, leurs propres résistances. Ils comprennent les appréhensions de leur groupe, mieux que n’importe quel aidant.

De plus, l’amour est un solide allié pour encourager la transformation et qui de mieux placer qu’un membre du système pour convaincre l’unité dans son entier ?

Une conclusion essentielle à dégager des qualités du souffrant

Pour résumé, ce chapitre était destiné à mettre l’accent sur les qualités intrinsèques du souffrant. Sensibilité, générosité, finesse, bienveillance caractérisent le membre du système détenteur du symptôme.

La présence même du trouble témoigne d’une tension groupale endossée à un niveau individuel. Le patient porte le stress périphérique. Il se définit donc par son excès de gentillesse, d’ouverture et d’endurance. Ce regard est important à poser car le souffrant est trop souvent appréhendée dans ses comportements inadaptées.

Cette connotation positive restitue au consultant sa pleine dimension et valeur. Il y puise l’énergie de mettre ses solides richesses au service d’un but structurant et non plus stérile. De même, cette clairvoyance sur les qualités exceptionnelles du consultant permet également au thérapeute d’en faire bon usage.
Il fait ainsi du souffrant un partenaire idéal afin de mener un système dans une réorganisation nécessaire et salvatrice.
En effet, quel meilleur allié que celui qui est intégré à l’unité et qui a les qualités de cœur pour sortir les siens de ses peurs traumatiques ?



samedi 12 septembre 2015

Video 4 | Retranscription partie 2/3

















2° partie de la retranscription texte de la 4e vidéo d'Adeline Gardinier sur le profil psychologique du souffrant.

Aider le souffrant à faire bon usage de sa bonté
Dans ces trois exemples, nous retrouvons la formidable générosité d’un sujet dévoué aux siens. 
Dans le travail thérapeutique, il faut jouer sur cette bonté pour orienter le malade vers des actes altruistes bien plus pertinents.

Dans un premier temps, il est essentiel de pointer la manière dont son attitude sacrificielle renforce le problème sans qu’il le veuille. Il réalise que son comportement alimente les difficultés alors qu’il voulait les enrayer.

Dans un second temps, il s’agit de réfléchir à la façon d’attribuer les tâches de responsabilisation. Ainsi, le souffrant découvre qu'aider c’est ne pas porter les fragilités d’autrui et c’est assumer ses propres manques.

Cette approche semble évidente. Pourtant, dans la pratique, le sujet douloureux a tendance à confondre les places. Il essaie alors de régler les dysfonctionnements périphériques. En vain, seul le concerné peut dissoudre ce qui lui appartient. Il freine alors un processus confrontatif nécessaire en faisant croire qu’il peut dénouer la problématique à la place de l’impliqué. 

De même, dans une dynamique inverse, le souffrant peut projeter à l’extérieur ce qui fait partie de ses failles. Il nie, par exemple, un manque d’affirmation, de courage, d’individuation en le déplaçant sur son environnement.

Restituer à chacun ses implications permet au souffrant de mettre sa bienveillance au service d’une mission groupale pertinente. Dans cette optique, il est saisissant de constater la manière dont la compréhension des règles psychiques et systémiques est capitale dans la réussite de ce projet.

En effet, l’amour, l’endurance et l’énergie sont des composantes inhérentes au souffrant. Elles ne manquent pas. Elles ne peuvent donc que faire des merveilles lorsqu’elles sont placées au bon endroit. Pour cela, le thérapeute doit simplement expliquer, avec patience et clairvoyance, les données constructrices d’avancement. Le patient est un sujet généreux dans son essence. Si dans son accompagnement, le guidant démontre la résonance structurante de certaines attitudes confrontatives, élaboratives où inhibitrices alors le patient sera disposé à changer de dynamique.

Le souffrant est en effet capable de bouger des repères rigides lorsqu’il connait l’effet favorable de cette démarche. Sa nature propre est d’être sensible et empathique. Finalement, le patient se présente comme le plus actif du groupe dans son implication à faire évoluer la situation. 

Cas clinique
Pour exemple, Madame F était une femme totalement dévouée aux siens. Elle avait sacrifié sa santé à endosser de lourdes responsabilités même celles qui ne dépendaient pas d’elle. Elle remplissait cette mission depuis sa plus jeune enfance. Ainsi, elle avait une piètre estime d’elle calquée sur les dires humiliants que ses parents lui adressaient depuis très longtemps. Elle était alors loyale à ses ascendants en validant leurs critiques désadaptées.

Plus tard, elle avait épousé un homme souffrant de schizophrénie. Elle avait enduré sa violence pendant plus de dix ans avant de le quitter. 

Aujourd’hui, elle agissait encore en reprenant à son compte les difficultés d’autrui. En effet, elle était en proie à des grosses angoisses  depuis qu’elle s’évertuait à sortir sa fille de la toxicomanie. Elle lui envoyait de l’argent et des colis. Elle lui obtenait des rendez-vous dans des structures de soins. Elle l’écoutait pendant des heures au téléphone. Cela faisait plusieurs années qu’elle s’enfermait dans ce rôle aidant sans le moindre résultat ! Lors de la thérapie, il fallut l’accompagner afin qu’elle recentre sa grande bienveillance sur des actes pertinents. Ses symptômes étaient la preuve qu’elle emmagasinait un stress périphérique sans pouvoir le résorber.
Normal, elle tentait de résoudre des problèmes qui n’étaient pas les siens. Elle élabora alors sur la manière dont elle pourrait venir au secours de sa fille sans agir à sa place. 

Ainsi, elle décida de régler ses propres failles et s’affirma davantage pour impliquer son enfant. Elle ne lui envoya plus que des denrées alimentaires. Elle l’appela régulièrement tout en prenant soin de ne plus l’entretenir dans son statut de victime.  Elle ne céda plus à ses chantages affectifs. Elle refusa de porter sa colère en se faisant le réceptacle de ses accusations injustes. Elle posa les limites pour que son enfant formule ses plaintes au bon endroit. 

Bref, cette nouvelle dynamique de dévouement prit des apparats bien différents !  Elle occasionna des ruptures temporaires, des conflits, des peurs et des sentiments de culpabilité oppressants. 

Madame F dut faire face à des situations très éprouvantes. Toutefois, la grande abnégation de la consultante permit d’instaurer ces repères si effrayants. Elle comprit que sa générosité et son amour devaient se manifester dans des actes couteux en frustration et en engagement. 

Elle ne le regretta pas car, un jour, sa fille l’appela pour lui annoncer qu’elle allait rentrer dans un Centre de soins à sa propre demande. Depuis ce jour les relations s’harmonisèrent. La jeune fille prit confiance dans l’idée qu’elle était capable là où autrefois sa mère et les autres faisaient à sa place. Elle se valorisa dans une identité singulière et responsabilisée dévoilée aux yeux de tous.

Madame F, quant à elle, apprit depuis ce jour à  exprimer sa grande humanité non plus dans ses symptômes mais dans l’aide apportée à autrui pour que celui-ci dépasse ses peurs. Elle œuvrait désormais à démontrer à ses interlocuteurs qu’ils avaient la pleine valeur de sortir de leurs douleurs. Elle leur accordait respect et attention tout en leur manifestant sa totale confiance dans leurs capacités à se départir de leurs fragilités. 
Elle avait enfin mis sa sensibilité au service de tous, dans cet équilibrage des attributions de rôle. Ainsi, son entourage et elle-même réalisaient la manière dont la reprise de leurs manques respectifs pouvait dénouer les problématiques les plus signifiantes !

Le souffrant, un co-thérapeute de qualité 
Durant les séances individuelles, je constate combien les consultants disposent des qualités nécessaires afin de bousculer des schémas de vie douloureux. Ils sont touchés, ébranlés, réceptifs aux dires de l’aidant. Ils sont loin de l’hermétisme de celui qui ne porte pas le symptôme. Le dialogue est aisé à partir du moment où le thérapeute maitrise et restitue, en bon pédagogue, les lois de la systémique auprès de ces personnes si généreuses. 

L’art du thérapeute consiste à faire comprendre ce qui relève de soi et ce qui relève de l’autre pour grandir. C’est la clé car le souffrant est déjà tout disposé, de par ses qualités humaines, à suivre une piste harmonieuse.

Il est bien plus compliqué d’intervenir auprès des membres des systèmes car, par définition, ceux-ci font reposer leur stress sur le souffrant. Ils sont donc plus égocentrés et moins susceptibles de vouloir résoudre le nœud. Ils sont moins contraints puisqu’ils n’endurent pas le symptôme.

Par contre, le patient souffre de ses maux mais aussi de la cause de ses maux. Il cache, en effet, les fragilités déniées de ses systèmes. Plus il comprend que la solution n’est pas dans le camouflage mais dans la confrontation, plus il met son grand cœur au service de cette posture. Il est alors le partenaire idéale de ce travail thérapeutique puisque c’est le membre le plus investi et le plus solidaire de son groupe.

Il est donc fortement motivé à libérer chacun de croyances collectives dysfonctionnelles. En s’attelant à une restitution équilibrée du stress dans ses systèmes, il conduit son environnement et lui-même à traiter les manques plutôt que de les faire s’accentuer.

La deuxième partie la semaine prochaine...

dimanche 6 septembre 2015

Video 4 | Retranscription partie 1/3

















1° partie de la retranscription texte de la 4e vidéo d'Adeline Gardinier sur le profil psychologique du souffrant.


Bonjour, nous nous retrouvons aujourd’hui pour explorer plus finement les caractéristiques surprenantes du sujet porteur de symptômes.

Nous avons identifié, dans les précédentes vidéos, certains paradoxes particularisant le symptôme lui-même. Il a été, en effet, présenté dans son utilité thérapeutique et dans son expression croissante lors des débuts de l’avancement.

Profil du souffrant

Je vous propose maintenant de concentrer davantage notre attention sur le profil du souffrant. Bien sûr, chaque malade est avant tout un sujet singulier manifestant un fonctionnement, des défenses et des réactions propres. Toutefois, une attitude commune particularise toutes ces personnes : leur grande sensibilité et leur grand cœur !

Posture sacrificielle du souffrant

Pour mieux comprendre ce phénomène, il faut resituer l’individu dans son histoire collective. Le sujet n’existe pas en dehors de ses déterminations systémiques. Son fonctionnement est étroitement lié à la manière dont il se positionne par rapport à son histoire, aux attentes de ses pairs et à ses dispositions personnelles.

Chez la personne souffrante, on retrouve une attitude sacrificielle, une tendance à privilégier le camouflage des manques externes au détriment de son bien être interne !

Les souffrants sont ainsi victimes de leur trop grande générosité vis-à-vis de leur groupe d’appartenance. En effet, ils fonctionnement comme des « éponges à inconscients » dans leur grande ouverture émotionnelle.

Ainsi, ils réceptionnent la tension inhérente aux fragilités non dénouées dans leur environnement. Bien sûr, cette posture est souvent involontaire. Le sujet est élu, de manière implicite, par ses systèmes pour jouer ce rôle de condensateur. Il prend aisément cette place de par ses qualités humaines exceptionnelles.

Ce scénario relationnel, dans les organisations rigides, se met ainsi en place naturellement. Le système fermé est fragile car il ne s’adapte pas aux changements nécessaires. Des traumas, des mythes dysfonctionnels et un passé transgénérationnel singulier expliquent cette difficulté à accepter ses manques et à les travailler. Le groupe recherche alors son équilibre autour d’un membre qui assurera la reprise à son compte du stress dénié.

Cette attribution des rôles, au sein d’un système fragilisé, s’aménage sans élaboration particulière. Personne ne se consulte. L’unité s’organise instinctivement sur des assises permettant ce rééquilibrage sans remise en question de son identité antérieure. Le souffrant assure ainsi dans ses symptômes la neutralisation des contraintes d’inadaptation de son groupe.

Ainsi plus le trouble est lourd, plus il indique une tension collective signifiante portée par un de ses membres.

Trois exemples illustrants :

- Pour exemple, Madame A présentait des défenses paranoïaques dans son son rapport à ses collègues. Cette méfiance était un moyen de taire  l’insécurité et les négligences vécues dans sa famille d’origine lorsqu’elle était jeune. Elle déplaçait sa souffrance car elle protégeait les valeurs dysfonctionnelles des siens.

Dans sa famille, autrefois, il était normal d’humilier, de chosifier ou d’hyper-responsabiliser les enfants. Ses parents l’avaient maltraitée, pris eux-mêmes dans les résonances d’un passé traumatique et indicible. Bref, le symptôme portait la charge contraignante des lourdes fragilités non assumées des aïeux.

- Monsieur R souffrait de lourdes dépressions chroniques. C’était le prix d’une dynamique familiale rigidifiée à respecter. Depuis plusieurs générations, il était transmis les codes du faire-paraitre, des non-dits et du non rapprochement émotionnel. Bien sûr, un événement traumatique avait été à l’origine de cette attitude fermée : la trahison durant la guerre d’un des leurs.

Monsieur R était aujourd’hui la victime de ce passé collectif non réglé. Dans son stress, il reprenait la tension déniée des siens. En effet, l’irritabilité, l’impulsivité et la perversité caractérisaient le comportement de ses ascendants étouffant sous ce masque mensonger ! Le patient était le réceptacle de leurs douleurs, de même qu’il était le loyal émetteur de leurs règles inauthentiques auprès de ses propres systèmes d’appartenance.

La protection de ce fonctionnement mythique était donc couteuse pour l’individu. Elle engendrait de nombreux conflits d’inadaptations dans les relations actuelles qu’entretenait Monsieur R. La dépression chronique l’obligeait ainsi régulièrement à plus de naturel, de vérité et de respect de sa condition d’humain.

- La petite Marion développait des otites et des acouphènes depuis quelques mois. Elle semblait résorber, par ce moyen,  les disputes de ses chers parents. En effet, la tension des conflits verbaux se déplaçait dans les symptômes de l’enfant.

Le couple était alors vigilant à ménager les tympans de leur fille. Il se décentrait également de leur problématique duelle afin de se soucier des soins de leur progéniture.

Plus tard, le trouble ne fut plus suffisant pour rapprocher les parents. Face aux lourds silences et retraits caractérisant leur relation, l’enfant s’engagea dans des comportements hyperactifs mobilisant tout le dynamisme et l’attention des siens.

Le couple dut alors davantage communiquer et agir en partenariat pour canaliser l’énergie de leur progéniture. Le trouble se dissipa alors sous l’effet d’une complicité retrouvée et d’une tension systémique démantelée.

La deuxième partie la semaine prochaine...

mercredi 19 août 2015

Vidéo | Derrière le "symptôme" se cache le "saint-homme"



















4e vidéo d'Adeline Gardinier sur le thème du profil et des qualités psychologiques du souffrant.


Adeline Gardinier (psychologue clinicienne et psychothérapeute, spécialiste des thérapies familiales et systémiques) est également auteur du livre "Aider le patient à sortir de la crise, le patient est un soignant qui s'ignore" édité chez De Boeck.

lundi 10 août 2015

Vidéo 3 | Retranscription partie 3/3















3e partie de la retranscription texte de la 3e vidéo d'Adeline Gardinier sur le thème de la recrudescence des symptômes dans les débuts de la guérison.

Bonjour, je vous retrouve pour aborder la 3e et dernière partie de la vidéo entretien consacrée aux propriétés étonnantes du symptôme.

Recrudescence première dans la manie
Un autre exemple parlant se retrouve dans l’épisode maniaque délirant. Le sujet semble être dans une réelle confrontation à sa problématique. Il ne l’élude plus. Il réalise et dénonce les fragilités de ses groupes d’appartenance dans des scénarios déguisés et décalés.

Le symptôme traduit une levée des inhibitions et des refoulements mythiques. Cette attitude de « trop grande présence » n’est que la résultante d’une capacité à davantage regarder les problématiques communicationnelles.

Pour exemple, Monsieur A développa un épisode maniaque bruyant lorsqu’il fut prêt à élaborer les croyances dysfonctionnelles et très fermées de sa famille d’origine. Cette plus grande implication psychique prit les apparats de la manie dans les premiers temps de son expression. En effet, la pathologie révélait l’extrême tension de ce mouvement novateur. Elle intégrait la charge contraignante d’une confrontation douloureuse et le stress d’une adaptation à une posture inhabituelle. L’aveuglement rigide ne pouvait se démanteler que dans un « faire face » extrême et contrastée. La fermeture psychique, afin d’être court-circuité, demandait l’accentuation d’une tension confrontative signifiante dans ses débuts.

La manie délirante serait alors l’expression d’un emballement psychique face à une vérité enfin regardée ! L’excès pathologique des débuts garantit le maintien, suffisamment long, du cadre nécessaire à la résolution de la problématique profonde.

Dans la bipolarité, il est fréquent de constater une recrudescence des défenses persécutrices lors d’une avancée signifiante.  Le symptôme « d’hostilité » permet de déplacer la colère et les manques sur l’extérieur. Le sujet maniaco-dépressif a trop tendance habituellement à endosser les responsabilités transgénérationnelles et relationnelles. Lors de sa progression, il lâche cette trop grande implication en la déplaçant dans des délires ou sur des personnes tierces.

Dans les premiers temps de ce processus évolutif, le ressenti persécuteur résulte de la recrudescence de ce symptôme de rébellion et d’affranchissement. Le symptôme est né pour aménager un cadre adéquat au désengagement d’une position trop sacrificielle. L’accentuation initiale du trouble, dans une expression paranoïaque, est suffisamment intense pour ne pas retomber facilement dans l’abnégation du comportement bipolaire. On constate encore la manière dont l’augmentation des troubles, dans leurs débuts d’expression, est nécessaire afin de neutraliser les résistances signifiantes et premières à la transformation.

Ainsi, le bipolaire passe par ces étapes régressives et pathologiques signifiantes avant de se désaliéner progressivement d’un récit protecteur vis-à-vis de ses systèmes dysfonctionnels !

Dans cette série d’exemples parlants, l’effet thérapeutique de cet accroissement symptomatique des débuts n’a plus de secret. Cette accentuation est nécessaire pour parer à des résistances signifiantes d’avancement. Le symptôme offre le cadre de progression. La recrudescence première du symptôme permet d’assurer la solidité de ce cadre tant qu’il est nécessaire. Plus les résistances au changement sont prégnantes, plus le trouble s’amplifie dans ses débuts. Normal, il doit être plus virulent, plus tenace pour provoquer une transformation véritable des habitudes de vie.

Une recrudescence thérapeutique mais dangereuse si elle n’est pas entendue dans son sens
Lorsque l’on connote positivement le trouble, il ne faut toutefois pas occulter sa résonance dangereuse lorsqu’il est trop longtemps ignoré dans son sens structurant. Ainsi, il n’est pas rare de voir se développer, chez les sujets peu à l’écoute d’eux-mêmes, de graves pathologies. Alors que le symptôme leur a signalé sur leur parcours de vie les dysfonctionnements à travailler, le sujet a été trop longtemps hermétique à ce message.

Le sujet a fui les crises chroniques en recourant au traitement médicamenteux ou à des solutions de colmatage passagères. La rigidité de la problématique interne s’est alors amplifiée au fil des inadaptations croissantes non réglées. Résultat, ce que j’appelle la crise finale a fait jour. Il y a eu saturation physique et psychique. Les défenses habituelles d’évitement ne fonctionnant plus, le sujet s’est trouvé dans l’impasse.

Le symptôme s’est alors exprimé dans une intensité et une permanence maximale pour garantir enfin la résolution du problème. La gravité du trouble trahit cette tension optimale née d’une paralysie. Celle-ci ayant perduré pendant trop longtemps.

Dans la crise finale, la lourde pathologie condense en son cœur l’extrême tension d’une rigidité signifiante. La grave maladie oblige à emprunter les chemins d’une transformation et d’un avancement nécessaires. Les défenses régressives ne fonctionnent désormais plus. Dans son démantèlement forcé, le trouble signifiant met alors fortement en danger le souffrant. En effet, il s’accentue sous l’effet des résistantes premières et prégnantes au changement. Des décompensations psychiques ou physiques peuvent être si intenses qu’elles emportent le souffrant dans les tourments de la folie éternelle, de la maladie ou de l’accident mortel ! Le comble alors est de voir le souffrant succomber à ses difficultés sous le poids d’un processus salvateur ! Celui-ci s’est tragiquement déclaré trop tard, il a engendré une tension intenable !

Ainsi, ce qui était un processus symptomatique salvateur devient dramatique. La recrudescence des symptômes ne participent plus à l’établissement progressif et solide du bon cadre d’évolution. Elle est si extrême qu’elle met, au contraire, fin irréversiblement à une possibilité d’évolution.

Nécessité d’une transmission éclairée et optimale de ce processus régressif thérapeutique
Cette présentation, dans cette vidéo, du processus paradoxal d’avancement est donc essentielle. Elle permet de replacer la recrudescence des symptômes dans une optique constructrice et non régressive. La clairvoyance sur ce phénomène symptomatique donne les bonnes directives dans la logique de guérison.

Le souffrant, averti du bruit nécessaire dans la déconstruction d’un mal bien installé, ne rebrousse pas chemin. Il ne se décourage pas car il est conscient qu’il ne souffre plus inutilement mais pour progresser. L’avancement est obligé de s’opérer dans la tension.

Chaque assouplissement d’une situation rigide entraîne un inconfort certain. C’est fort de ce constat que le patient décide d’emprunter le chemin le plus opérant. Par conséquent, il est prêt à élaborer le sens du symptôme durant une crise graduelle. Prévenu de la dangerosité de la crise finale, il est disposé à accepter la douleur engendrée par le fléchissement de résistances rigides durant les crises graduelles.

Seul le symptôme détient la solution au problème. Un médicament ou une solution passagère ne peuvent que renforcer les difficultés à long terme. Les médecins doivent sortir d’une « toute puissance bienveillante » à vouloir immédiatement soulager. Ils doivent accepter, comme les souffrants, de guérir le mal par le mal. La tension du symptôme est en effet nécessaire à  l’élaboration et à l’extinction définitive de la véritable problématique. Il faut donc bien connaître et respecter les règles structurantes du trouble pour que celui-ci s’efface et que s’efface également la souffrance profonde qu’il cherche à enrayer !

A l’heure actuelle, la recrudescence des symptômes dans le début de leur résolution est encore mal connue. Ce phénomène n’est malheureusement pas plus intégré chez les soignants que chez les patients.

Certainement, comme évoqué en introduction, la peur d’aborder des traumas anciens est à l’origine de cette méconnaissance. Dans un souci de protection de ses groupes d’appartenance, l’homme n’ose pas regarder ce que son symptôme reflète de ses fragilités d’individuation par rapport aux siens. Pour qu’il ait davantage cette dynamique d’exploration de ses troubles, il faut l’aider à solidifier ses assises identitaires narcissiques et groupales. La valorisation de ses systèmes est là encore un appui  essentiel dans cette reconnaissance des effets structurants du symptôme.

Mais ce thème pourra faire l’objet d’une prochaine vidéo. Je vous laisse, pour l’instant, décortiquer ce processus passionnant et déstabilisant de la recrudescence des symptômes dans les débuts d’avancement.  Il mérite en effet toute notre attention afin de le respecter et de bénéficier pleinement de ses bienfaits thérapeutiques !

samedi 1 août 2015

Vidéo 3 | Retranscription partie 2/3

















2e partie de la retranscription texte de la 3e vidéo d'Adeline Gardinier sur le thème de la recrudescence des symptômes dans les débuts de la guérison. 

Bonjour, je vous retrouve pour aborder la seconde partie de la vidéo entretien consacrée aux propriétés étonnantes du symptôme. Je vous propose dans cette séquence de poursuivre l’exploration fascinante sur l’essence de la souffrance.

Exemples cliniques
Pour illustrer ce phénomène d’accentuation symptomatique des débuts de l’avancement, je vais vous évoquer quelques prises en charge. Dans le cadre des douleurs somatiques, cette recrudescence des troubles, au début de leur expression, est particulièrement manifeste. Ainsi, une aide-soignante souffre de maux de dos.

Cette douleur l’oblige à aménager des règles quotidiennes et professionnelles plus modérées. Elle a, en cela, son sens thérapeutique. Ce remaniement engendre toutefois dans un premier temps des résistances internes et externes. Il n’est pas aisé d’intégrer un rythme de vie différent avec des pauses, des séances de yoga, des habitudes hygiéniques contrastées.

Il est laborieux de construire une plus grande affirmation dans le refus de certaines tâches. Ses collègues, son entourage et elle-même n’acceptent pas facilement ces changements fonctionnels. Il y a alors recrudescence de symptômes pendant plusieurs mois avant que le mal s’estompe. Normal, un stress adaptatif signifiant accentue maintenant la charge contraignante du handicap. Celui-ci va s’estomper au fil de l’acceptation des nouvelles règles. La patiente verra alors son trouble disparaître lorsque les nouveaux codes relationnels, qu’il a imposés, seront solidement établis !

Une recrudescence symptomatique à bien intégrer chez l’aidant
Un autre exemple parlant du processus paradoxal d’avancement  se retrouve dans les problématiques d’affirmation. Le sujet développe des troubles émotionnels et comportementaux lorsqu’il se désengage d’une posture d’abnégation. La colère, le repli dépressif, les angoisses et bien d’autres symptômes peuvent se manifester pour faciliter ce mouvement d’émancipation. Il est alors important d’être éclairé sur l’expression croissante de ces conduites et états exagérées dans les débuts de la désaliénation.

Ainsi, les soignants sont toujours très surpris des passages à l’acte hostiles et de plus en plus fréquents de leurs patients d’habitude si dociles. Pourtant, cette situation devient compréhensible lorsque l’on considère une accentuation des troubles dans les débuts de leur résolution. Ainsi, le souffrant ne se reconnait plus. Il crie, insulte, agresse, s’hystérise, peste et déborde davantage dans cette amorce d’expression personnelle.

Normal, le symptôme prend de la force sous l’effet des résistantes signifiantes des débuts d’adaptation. Ainsi, les premiers élans d’individuation déchaînent leur expression exagérée. Le sujet se présente égocentrique, agité ou invivable dans son ébauche maladroite d’affranchissement. Il nuance ce mouvement au fil d’un processus de plus en plus assumé et donc de moins en moins stressant.

Encore une fois, cette clairvoyance sur la recrudescence des symptômes, dans le dénouement d’une problématique, est essentielle. Dans ce cas particulier, l’ignorance de ce phénomène conduit les soignants à décourager et à étouffer des révoltes bien salvatrices. S’il faut contenir des pulsions débordantes, il est important de reconnaître leur caractère structurant lorsqu’elles annoncent des changements bienvenus. Il ne faut donc pas les censurer mais aider à leur apaisement dans la valorisation de ce qu’elles cherchent à introduire.

Ainsi, dans nos centres, nous aidons les personnes en cours d’affirmation à s’ajuster à ce processus sans jamais déprécier leur dynamique explosive !

La méconnaissance de cette règle amplificatrice entraîne des malentendus fort préjudiciables pour le souffrant. Il se voit, en effet court-circuité, dans sa laborieuse tentative d’affirmation. La pulsion morbide ou mortelle ne tardera pas alors à se manifester pour traduire l’échec de ce mouvement transformateur ! La pulsion d’inertie ne peut pas, en effet, s’estomper puisqu’elle n’est pas entendue dans son expression légitime et passagère lors des premières phases d’avancement.

Une situation cocasse mais thérapeutique !
Je me souviens également d’une situation assez cocasse rencontrée au centre psychothérapeutique. Une dame, prise dans des liens très symbiotiques à son conjoint, faisait des séjours réguliers dans la structure. Elle présentait une dynamique de fonctionnement psychotique.

Elle entretenait, dans son couple, une union collusive permettant de camoufler la problématique de chacun. Toutefois, la patiente évoluait au fil de ses hospitalisations. Elle renforçait son estime d’elle. Elle ressentait moins le besoin de porter les responsabilités de son compagnon au travers de ses fragilités. Ainsi, un mouvement de différenciation signifiant ne tarda pas à s’exprimer.

Toutefois, son allure déguisée créa bien des étonnements et des jugements biaisés au sein de l’équipe médicale. La recrudescence du symptôme, traduisant cet élan récent d’individuation, s’exprima par des comportements volages vis-à-vis des patients masculins du centre. Il s’agissait d’un élan grossier et non maitrisé de cette amorce d’autonomisation. Les comportements séducteurs constituaient le trouble sollicitant le changement attendu. Ils permettaient, en effet, de se décentrer du conjoint pour porter attention sur l’extérieur.

Toutefois, la charge excessive de tension, condensée dans le trouble, était logique lors des premières adaptations. Elle transformait des actes d’émancipation salvateurs en de sauvages expressions libératrices. La connaissance de ce phénomène régressif, des premiers temps de l’avancement, est alors essentielle. Elle permet des évaluations cliniques non erronées. Le souffrant est perçu dans ses progressions et non ses échecs. Le soignant peut alors soutenir le patient dans l’expression nuancée de cette nouvelle dynamique prometteuse. Il n’enraye pas une initiative favorable. Il est très facile d’anticiper les conséquences désastreuses d’une non-compréhension de ces processus psychiques paradoxaux.

Bien sûr cette réalité n’est paradoxale que parce que l’utilité du symptôme et sa recrudescence, dans ses débuts d’expression, n’est pas assez connu.

Recrudescence première dans les problématiques phobiques
Dans les problématiques phobiques, le symptôme vient en lieu et place d’une distance relationnelle à aménager entre le souffrant et certains objets extérieurs. Si le processus est bénéfique dans la dynamique protectrice qu’il introduit, l’excès de son expression est toujours très handicapant. Or, cette mise en retrait, imposée par le symptôme, s’accentue dans les débuts de sa manifestation.

Le sujet souffre du stress engendré par ses nouvelles habitudes de vie. En effet, le symptôme l’oblige à désinvestir, de manière significative, des liens psychiques trop étroits. Le mode communicationnel à autrui est brutalement bouleversé. Il produit donc une tension supplémentaire non négligeable. Celle-ci alimente la charge inhérente au symptôme lui-même.

L’inhibition excessive, retrouvée dans la problématique phobique, s’explique donc par cette règle de recrudescence des symptômes au début de leur apparition. Il ne faut pas oublier que le trouble, en lui-même, est thérapeutique.

Sa contrainte exagérée tient à sa nécessité de virulence pour parer aux résistances au changement. Le sujet phobique serait, à la base, trop impliqué émotionnellement dans les relations à autrui. Il ne saurait pas protéger son espace personnel et psychique. Les difficultés de différenciation des ses interlocuteurs interféreraient avec ses propres fragilités d’autonomisation.

L’intensité du vécu phobique serait alors proportionnelle à la rigidité de la problématique de distanciation. Plus le sujet serait enchevêtré psychiquement aux fragilités de ses systèmes, plus les pulsions d’inertie seraient importantes, plus la phobie devrait être prégnante dans ses débuts d’activation. La recrudescence des symptômes, malgré son caractère contraignant, a tout son sens structurant en phase de réorganisation première.

La 3e et dernière partie la semaine prochaine...

vendredi 24 juillet 2015

Vidéo 3 | Retranscription partie 1/3

















3e vidéo d'Adeline Gardinier sur le thème de la recrudescence des symptômes dans les débuts de la guérison. Adeline Gardinier (psychologue clinicienne et psychothérapeute, spécialiste des thérapies familiales et systémiques) est également auteur du livre "Aider le patient à sortir de la crise, le patient est un soignant qui s'ignore" édité chez De Boeck.


Bonjour, je vous retrouve pour aborder un nouveau chapitre sur les propriétés étonnantes du symptôme. Je vous propose dans cette séquence de poursuivre l’exploration fascinante sur l’essence de la souffrance.

Petit rappel sur l’utilité thérapeutique du symptôme.

Dans la vidéo précédente « La guérison est dans le symptôme », l’accent avait été mis sur l’utilité thérapeutique de nos maux. Au travers de quelques exemples, nous avions pu constater la manière dont le trouble revêtait les caractéristiques nécessaires à l’avancement. Sa nature et son intensité aménagent, en effet, un nouveau cadre de vie bouleversant les habitudes fonctionnelles d’un sujet. De manière fascinante, la spécificité du trouble semble répondre au problème singulier traité. Ainsi, telle dépression aide le souffrant à ralentir un rythme effréné, telle phobie éloigne de dynamiques relationnelles inadaptées, telle somatisation réveille des traumas refoulés devant être abréagis, tel accident freine un processus d’individuation trop rapide, tel délire est un élan de protection individuelle sans dénonciation groupale, etc. Cette énumération est trop schématisée pour qu’elle puisse suffisamment vous parler. Je vous conseille de regarder mes vidéos et d’aller sur mon blog : http://adeline-gardinier.blogspot.fr/ afin d’approfondir ce sujet troublant du trouble ! Ainsi, chaque prise en charge ne déroge pas à cette règle passionnante. Le symptôme détient en son cœur la solution. Ce constat surprenant et positif doit être le plus largement transmis aux soignants et aux patients. Il permet une appréhension plus pertinente du symptôme. Il entrave ainsi beaucoup de découragements et il aide à la prise en compte d’informations signifiantes dans le dégagement d’une problématique. Il existe également une autre règle paradoxale et encourageante du symptôme à connaître afin d’avancer. Nous allons particulièrement nous y attarder dans ce chapitre. Il s’agit de la recrudescence des troubles dans le début de leur résolution. 

Le symptôme porteur d’une souffrance groupale.

Le handicap est là, dans une logique systémique, pour nous alarmer sur notre difficulté à nous différencier de nos systèmes d’appartenance. Pour des raisons historiques et traumatiques diverses, le souffrant n’est pas toujours dans la bonne distance émotionnelle et dans la bonne dynamique relationnelle avec les autres. Les résonances d’une histoire groupale, voire transgénérationnelle, s’expriment dans des difficultés d’adaptation et d’individuation. Le symptôme est alors le révélateur et la clé pour défaire ces dysfonctionnements parfois très paralysants. Le symptôme aide, malgré sa dimension contraignante, à rétablir un bon équilibre entre autonomie et appartenance à ses pairs. Le sujet a autant besoin d’être affilié à ses systèmes que de se dégager de leurs douleurs groupales non résolues. Finalement, le bonheur réside dans cette capacité à s’identifier à des valeurs d’appartenance fonctionnelles et à se défaire des mythes et des règles collectives dysfonctionnelles. L’expression personnelle se situe au carrefour de ces choix de dépendances. Le symptôme aide à réaliser ce défi bienheureux ! Il aide à sortir d’interactions, de pensées, de croyances, de comportements exagérés à l’intérieur de ses systèmes. Il ouvre à une nuance de bien-vivre là où le trauma antérieur avait introduit l’excès et le débordement. Sous ses apparences douloureuses, voire dangereuses, il est parfois bien difficile d’approcher cette réalité bienveillante de la souffrance. Pourtant, c’est un fait, depuis quinze ans, je rencontre des personnes qui confortent, par leur expérience propre, ces dires. Ils me témoignent la manière dont leur grave maladie les a fait grandir et exister ! 

Il n’est de paradoxal que ce qui est dénié de traumatique ! 

Il est également bien difficile d’intégrer que la guérison passe par un accroissement des troubles dans les débuts de l’avancement ! Tous ces paradoxes semblent surprenants parce qu’ils ne font pas partie de notre logique commune de pensées. Pourtant, ils ne font que refléter des observations cliniques bien réelles ! Ces évidences symptomatiques, non vues, proviendraient-elles alors de notre rigidité à reconnaître les traumas passés, les dysfonctionnements groupaux par trop grande loyauté d’appartenance ? Quand les souffrants travaillent ce lien entre douleur individuelle et mythe collectif parasitant, ils s’aperçoivent rapidement de leur étroite association. La peur et l’attitude sacrificielle semblent être à l’origine de cette ignorance universelle. Le sujet éprouve de grandes difficultés à élaborer des souffrances psychiques passées toujours résonantes. Il préfère les refouler par crainte de nuire à ces groupes d’appartenance d’où il les tient. Même lorsque le symptôme oblige à un remaniement des codes fonctionnels, ils peuvent invoquer la souffrance pour justifier ce changement individuel. Cela évite ainsi une remise en cause de leur valeur et de leur histoire collective profonde. Donc, le symptôme force le sujet à établir des repères adaptés que celui-ci ne parvient pas à mettre en place volontairement. Dans cette optique, il est compréhensible que le trouble mobilise des résistances au changement signifiantes. Sa charge contraignante, constituant son essence, redouble alors sous le poids de cette force d’opposition au changement. 

Recrudescence première et logique du mal.

Ainsi, dans les débuts de l’avancement, la nouvelle dynamique engagée par l’effet salvateur du symptôme, crée du non-familier. Ce non-familier est d’autant plus complexe à assimiler qu’il est par définition imposé par la douleur. Bref, la nouveauté inscrit au summum de son intensité la douleur. La force d’inertie est, en effet, maximale lors des premiers temps de la transformation. Elle ne s’estompera qu’au fil de l’adaptation aux nouveaux codes. 

Donc, au départ, nous constatons l’apparition du symptôme condensant en son cœur une tension signifiante. C’est la tension née des inadaptations croissantes saturant la vie du sujet. 

Dans un 2e temps, la souffrance s’accentue car le symptôme amplifie sa charge contraignante. En effet, le cadre nouveau imposé par le handicap crée des résistances au changement. Cette tension d’adaptation se greffe alors à la tension du symptôme. Dans les premiers temps d’assimilation des nouveaux codes fonctionnels, le stress est optimal. Il ne diminuera que très doucement par intégration progressive des données entrantes. 

Donc le 3e temps correspond à cette phase de familiarisation graduelle au changement. La tension baisse au fil du conditionnement aux nouvelles règles imposées par le symptôme. Dans le dernier temps, on voit le trouble disparaître car son existence n’a plus de raison d’être. Le sujet s’est totalement ajusté aux codes de vie dictés par le symptôme. Il les respecte naturellement. Il n’a donc plus besoin d’être contraint par ses maux pour préserver le bon cadre fonctionnel. Le symptôme peut alors s’effacer.

La suite (partie 2/3) la semaine prochaine..

samedi 18 juillet 2015

La logique paradoxale de l'avancement

3e vidéo d'Adeline Gardinier sur le thème de la recrudescence des symptômes dans les débuts de la guérison.

Adeline Gardinier (psychologue clinicienne et psychothérapeute, spécialiste des thérapies familiales et systémiques) est également auteur du livre "Aider le patient à sortir de la crise, le patient est un soignant qui s'ignore" édité chez De Boeck.


samedi 30 mai 2015

La guérison est dans le symptôme 3/3 Retranscription vidéo entretien

















Cet article correspond à la troisième et dernière partie de la retranscription texte de la vidéo "La guérison est dans le symptôme" publiée le 1er mai 2015.

Les bienfaits protecteurs de la phobie relationnelle
Dans la phobie relationnelle, l’utilité du trouble est d’obliger le souffrant à se mettre davantage à distance d’autrui. Le sujet porte trop la souffrance et les responsabilités de ses pairs. Pour exemple, lors du suicide de son père, une jeune fille développa des phobies sociales. Ce symptôme l’aida à se désengager d’une position trop étayante et trop enchevêtrée aux soucis de son entourage. Elle avait écouté et soutenu pendant des années un père dépressif.

Lors de son décès, elle satura d’une conduite non assez individualisée et inefficace. L’ampleur de la distanciation, exprimée par la phobie, est extrême mais logique. Elle est à la hauteur du trop grand manque d’émancipation psychique du sujet par rapport à ses liens périphériques.

Les secrets structurants de la phobie d’impulsion
Dans la phobie d’impulsion qui est une peur d’agresser, on retrouve cette même fonction utile du symptôme. Il s’agit de s’éloigner de relations étouffantes et par conséquent dangereuses. Pour exemple, une mère était complètement décontenancée par cette peur de tuer ses enfants. Elle adorait tant ses enfants. Pourtant, sa dynamique à les surprotéger, en raison d’événements insécurisants vécus, l’avait cantonné à une place exclusive de parent pendant de nombreuses années. Le symptôme l’obligeait à rétablir la bonne distance afin de ne pas être annihilée par son rôle maternel. Seule une peur extrême pouvait la dissuader de s’écarter de ses petits : la peur de leur faire du mal. Nous voyons comment la gravité du symptôme est en lien avec la rigidité des repères dysfonctionnels.

Des reviviscences libératrices
Autre exemple signifiants, les réveils traumatiques-les flashs et les zones de somatisation associés aux traumas. Ces troubles obligent à l’élaboration d’un vécu douloureux refoulé par sa victime. Celui-ci, de par sa nature trop sacrificielle, tait et fuit ses ressentis personnels. Il a peur de déranger et de nuire aux autres s’il se laisse aller à ses éprouvés dépressifs. Le symptôme de reviviscence l’oblige à se protéger narcissiquement en se recentrant sur lui et en libérant son mal.

Des accidents non hasardeux
Que penser également des accidents domestiques ou de transport ou de la vie quotidienne ? Ne seraient-ils pas eux aussi des symptômes révélant un manque d’individuation ? Ils apparaissent curieusement là où le sujet a des difficultés à s’autonomiser et à se départir de problèmes relationnels.

Ainsi, je me souviens de cette mère qui avait eu un accident de voiture le jour où elle alla passer son concours d’aide-soignante. Elle culpabilisait de se désengager de son rôle de femme au foyer s’occupant de ses quatre enfants et assistant ses parents depuis tellement longtemps. Cet acte d’émancipation ne pouvait s’opérer que dans la maladresse et la résistance. Le symptôme rappelait la nécessité d’effectuer la transformation progressivement pour qu’elle soit assumée. L’accident exprimait le besoin d’un rythme plus modéré dans l’intégration de cette individuation positive.

Et bien d’autres paradoxes et symptômes thérapeutiques !
J’aurais tellement encore à vous dire sur la fonction structurante des délires, des hallucinations ou des actes manqués. Mais je trouve plus intéressant de vous laisser réfléchir à leur valeur structurante et évolutive dans la vie du sujet.

Je suis sûre que vous ne tarderez pas à découvrir leur intention bienveillante derrière leur caractère contraignant voire quelquefois dangereux !

samedi 23 mai 2015

La guérison est dans le symptôme 2/3 Retranscription vidéo entretien



Cet article correspond à la deuxième partie de la retranscription texte de la vidéo "La guérison est dans le symptôme" publiée le 1er mai 2015.



Des maladies lourdes pour défaire de fortes rigidités 

Des maux encore plus lourds peuvent surgir lorsque la résistance au changement est telle qu’elle nécessite la création d’un symptôme transformateur hyper signifiant.

Ainsi, il n’est pas rare de voir apparaître des cancers, des dépressions lourdes, des épisodes démentiels là où le sujet est dans une très grande difficulté à préserver son espace personnel. L’intensité du handicap est proportionnelle à l’intensité du frein à mettre pour que le patient écoute ses propres besoins et limites. La teneur du symptôme est certes liée à la sensibilité organique mais également à l’ampleur des résistances internes.

Pour exemple, un consultant très ambitieux souffrait de dépressions chroniques depuis longtemps. Il faisait des séjours réguliers en milieu hospitalier. L’homme présentait la fâcheuse habitude d’utiliser le cadre de soins afin de récupérer d’une fatigue professionnelle signifiante. Il prenait ses psychotropes, se reposait quelques temps contraint par ses troubles dépressifs puis reprenait le travail. Il se réengouffrait alors dans les mêmes codes dysfonctionnels d’autrefois.

La dépression était alors le  symptôme dénonçant une loyauté dangereuse à des valeurs éducatives trop rigides. L’homme reprenait un fonctionnement transmis et caractérisé par l’exigence et la rigueur. Le symptôme s’inscrivit alors comme la solution temporaire au problème d’hyper contrôle.

Toutefois, il se chargea de plus en plus en tension interne au fil des années. En effet, le souffrant ne prenait pas en compte définitivement les codes adaptés que le trouble cherchait à établir. Le souffrant assouplissait certes son fonctionnement mais de manière passagère. Il se réorganisait autour de ses anciennes dynamiques malheureuses dès qu’il avait suffisamment récupéré.

Ainsi, sous le regard stupéfait de son médecin, l’homme décompensa dans un épisode démentiel lors de la énième hospitalisation. Le traitement ne faisait plus effet. Logique, le symptôme s’était aggravé afin de parer aux résistances chroniques du souffrant. Il devait être plus handicapant afin de garantir l’établissement définitif des règles structurantes qu’il cherchait à pointer. La folie obligeait le sujet à davantage lâcher-prise et sur un temps suffisamment long afin d’assurer un ancrage solide des nouveaux repères organisationnels.

Cet exemple met en relief la pertinence du trouble dans sa nature mais aussi dans son intensité.  Le symptôme présente les particularités nécessaires à l’aménagement du bon cadre fonctionnel. Il se charge aussi de l’intensité suffisante au respect de ses contraintes. C’est pourquoi, dans les problématiques très rigides, son intervention peut être dangereuse. Le symptôme est obligé de présenter des contraintes lourdes afin de faire céder l’opposition signifiante de transformation.

Du bruit rassurant dans la psychose

Ainsi, la personne psychotique présente des troubles de comportement très bruyants lorsqu’elle avance dans sa problématique. Ce symptôme crée en effet un « cadre optimal d’expression personnelle »  là où le sujet souffre d’inhibition excessive. Le patient indifférencié sacrifice sa subjectivité aux croyances dysfonctionnelles de ses groupes d’appartenance. Une affirmation débordante se présente alors comme le trouble nécessaire à la mise en place d’un lieu de désaliénation.

Ce processus psychique est très important à transmettre aux soignants afin de ne pas décourager des mouvements symptomatiques salvateurs. S’il est important de contenir une crise, il ne faut pas court-circuiter ou donner une connotation régressive à des troubles nécessaires dans une dynamique d’avancement. Dans cette logique de raisonnement, on comprend comment la stabilisation chimique de patients psychotiques peut paraitre inquiétante. Certes, le sujet est calme mais il est maintenu, au travers de cette camisole artificielle, dans cette désubjectivation, cause de son mal premier.

La connaissance du « sens fonctionnel, utile du symptôme » est donc importante afin de ne pas commettre des impairs thérapeutiques lourds de conséquence. Malheureusement, dans ma pratique, je constate trop les effets désastreux de cette ignorance. L’expression de troubles, inhérents à la possibilité d’évolution, sont ainsi critiqués et entravés. Le soignant alors, sans en être conscient, étouffe les bienfaits du symptôme.

Pour terminer, je vais vous énumérer brièvement une succession d’exemples parlants afin de mettre en relief la dimension universelle de ce processus symptomatique.

Suite et fin de la restranscription la semaine prochaine (3/3)...