lundi 10 août 2015

Vidéo 3 | Retranscription partie 3/3















3e partie de la retranscription texte de la 3e vidéo d'Adeline Gardinier sur le thème de la recrudescence des symptômes dans les débuts de la guérison.

Bonjour, je vous retrouve pour aborder la 3e et dernière partie de la vidéo entretien consacrée aux propriétés étonnantes du symptôme.

Recrudescence première dans la manie
Un autre exemple parlant se retrouve dans l’épisode maniaque délirant. Le sujet semble être dans une réelle confrontation à sa problématique. Il ne l’élude plus. Il réalise et dénonce les fragilités de ses groupes d’appartenance dans des scénarios déguisés et décalés.

Le symptôme traduit une levée des inhibitions et des refoulements mythiques. Cette attitude de « trop grande présence » n’est que la résultante d’une capacité à davantage regarder les problématiques communicationnelles.

Pour exemple, Monsieur A développa un épisode maniaque bruyant lorsqu’il fut prêt à élaborer les croyances dysfonctionnelles et très fermées de sa famille d’origine. Cette plus grande implication psychique prit les apparats de la manie dans les premiers temps de son expression. En effet, la pathologie révélait l’extrême tension de ce mouvement novateur. Elle intégrait la charge contraignante d’une confrontation douloureuse et le stress d’une adaptation à une posture inhabituelle. L’aveuglement rigide ne pouvait se démanteler que dans un « faire face » extrême et contrastée. La fermeture psychique, afin d’être court-circuité, demandait l’accentuation d’une tension confrontative signifiante dans ses débuts.

La manie délirante serait alors l’expression d’un emballement psychique face à une vérité enfin regardée ! L’excès pathologique des débuts garantit le maintien, suffisamment long, du cadre nécessaire à la résolution de la problématique profonde.

Dans la bipolarité, il est fréquent de constater une recrudescence des défenses persécutrices lors d’une avancée signifiante.  Le symptôme « d’hostilité » permet de déplacer la colère et les manques sur l’extérieur. Le sujet maniaco-dépressif a trop tendance habituellement à endosser les responsabilités transgénérationnelles et relationnelles. Lors de sa progression, il lâche cette trop grande implication en la déplaçant dans des délires ou sur des personnes tierces.

Dans les premiers temps de ce processus évolutif, le ressenti persécuteur résulte de la recrudescence de ce symptôme de rébellion et d’affranchissement. Le symptôme est né pour aménager un cadre adéquat au désengagement d’une position trop sacrificielle. L’accentuation initiale du trouble, dans une expression paranoïaque, est suffisamment intense pour ne pas retomber facilement dans l’abnégation du comportement bipolaire. On constate encore la manière dont l’augmentation des troubles, dans leurs débuts d’expression, est nécessaire afin de neutraliser les résistances signifiantes et premières à la transformation.

Ainsi, le bipolaire passe par ces étapes régressives et pathologiques signifiantes avant de se désaliéner progressivement d’un récit protecteur vis-à-vis de ses systèmes dysfonctionnels !

Dans cette série d’exemples parlants, l’effet thérapeutique de cet accroissement symptomatique des débuts n’a plus de secret. Cette accentuation est nécessaire pour parer à des résistances signifiantes d’avancement. Le symptôme offre le cadre de progression. La recrudescence première du symptôme permet d’assurer la solidité de ce cadre tant qu’il est nécessaire. Plus les résistances au changement sont prégnantes, plus le trouble s’amplifie dans ses débuts. Normal, il doit être plus virulent, plus tenace pour provoquer une transformation véritable des habitudes de vie.

Une recrudescence thérapeutique mais dangereuse si elle n’est pas entendue dans son sens
Lorsque l’on connote positivement le trouble, il ne faut toutefois pas occulter sa résonance dangereuse lorsqu’il est trop longtemps ignoré dans son sens structurant. Ainsi, il n’est pas rare de voir se développer, chez les sujets peu à l’écoute d’eux-mêmes, de graves pathologies. Alors que le symptôme leur a signalé sur leur parcours de vie les dysfonctionnements à travailler, le sujet a été trop longtemps hermétique à ce message.

Le sujet a fui les crises chroniques en recourant au traitement médicamenteux ou à des solutions de colmatage passagères. La rigidité de la problématique interne s’est alors amplifiée au fil des inadaptations croissantes non réglées. Résultat, ce que j’appelle la crise finale a fait jour. Il y a eu saturation physique et psychique. Les défenses habituelles d’évitement ne fonctionnant plus, le sujet s’est trouvé dans l’impasse.

Le symptôme s’est alors exprimé dans une intensité et une permanence maximale pour garantir enfin la résolution du problème. La gravité du trouble trahit cette tension optimale née d’une paralysie. Celle-ci ayant perduré pendant trop longtemps.

Dans la crise finale, la lourde pathologie condense en son cœur l’extrême tension d’une rigidité signifiante. La grave maladie oblige à emprunter les chemins d’une transformation et d’un avancement nécessaires. Les défenses régressives ne fonctionnent désormais plus. Dans son démantèlement forcé, le trouble signifiant met alors fortement en danger le souffrant. En effet, il s’accentue sous l’effet des résistantes premières et prégnantes au changement. Des décompensations psychiques ou physiques peuvent être si intenses qu’elles emportent le souffrant dans les tourments de la folie éternelle, de la maladie ou de l’accident mortel ! Le comble alors est de voir le souffrant succomber à ses difficultés sous le poids d’un processus salvateur ! Celui-ci s’est tragiquement déclaré trop tard, il a engendré une tension intenable !

Ainsi, ce qui était un processus symptomatique salvateur devient dramatique. La recrudescence des symptômes ne participent plus à l’établissement progressif et solide du bon cadre d’évolution. Elle est si extrême qu’elle met, au contraire, fin irréversiblement à une possibilité d’évolution.

Nécessité d’une transmission éclairée et optimale de ce processus régressif thérapeutique
Cette présentation, dans cette vidéo, du processus paradoxal d’avancement est donc essentielle. Elle permet de replacer la recrudescence des symptômes dans une optique constructrice et non régressive. La clairvoyance sur ce phénomène symptomatique donne les bonnes directives dans la logique de guérison.

Le souffrant, averti du bruit nécessaire dans la déconstruction d’un mal bien installé, ne rebrousse pas chemin. Il ne se décourage pas car il est conscient qu’il ne souffre plus inutilement mais pour progresser. L’avancement est obligé de s’opérer dans la tension.

Chaque assouplissement d’une situation rigide entraîne un inconfort certain. C’est fort de ce constat que le patient décide d’emprunter le chemin le plus opérant. Par conséquent, il est prêt à élaborer le sens du symptôme durant une crise graduelle. Prévenu de la dangerosité de la crise finale, il est disposé à accepter la douleur engendrée par le fléchissement de résistances rigides durant les crises graduelles.

Seul le symptôme détient la solution au problème. Un médicament ou une solution passagère ne peuvent que renforcer les difficultés à long terme. Les médecins doivent sortir d’une « toute puissance bienveillante » à vouloir immédiatement soulager. Ils doivent accepter, comme les souffrants, de guérir le mal par le mal. La tension du symptôme est en effet nécessaire à  l’élaboration et à l’extinction définitive de la véritable problématique. Il faut donc bien connaître et respecter les règles structurantes du trouble pour que celui-ci s’efface et que s’efface également la souffrance profonde qu’il cherche à enrayer !

A l’heure actuelle, la recrudescence des symptômes dans le début de leur résolution est encore mal connue. Ce phénomène n’est malheureusement pas plus intégré chez les soignants que chez les patients.

Certainement, comme évoqué en introduction, la peur d’aborder des traumas anciens est à l’origine de cette méconnaissance. Dans un souci de protection de ses groupes d’appartenance, l’homme n’ose pas regarder ce que son symptôme reflète de ses fragilités d’individuation par rapport aux siens. Pour qu’il ait davantage cette dynamique d’exploration de ses troubles, il faut l’aider à solidifier ses assises identitaires narcissiques et groupales. La valorisation de ses systèmes est là encore un appui  essentiel dans cette reconnaissance des effets structurants du symptôme.

Mais ce thème pourra faire l’objet d’une prochaine vidéo. Je vous laisse, pour l’instant, décortiquer ce processus passionnant et déstabilisant de la recrudescence des symptômes dans les débuts d’avancement.  Il mérite en effet toute notre attention afin de le respecter et de bénéficier pleinement de ses bienfaits thérapeutiques !