dimanche 5 avril 2015

Vidéo interview | retranscription partie 5/5

















5e et dernière partie de la retranscription de la vidéo interview d'Adeline Gardinier, psychologue clinicienne et psychothérapeute, auteur du livre "Aider le patient à sortir de la crise : une méthode psychothérapeutique" publié aux éditions De Boeck.


Quelle place cette logique interactive et systémique laisse au hasard dans la vie d’un sujet ?

Heureusement, l’imprévisible subsiste dans la façon dont le souffrant va poser des choix dans sa façon de se définir, de s’équilibrer entre individuation et appartenance. L’homme n’est pas prévisible dans sa profonde nature. Que le monde serait triste s’il se référait à des individus bien établis dans leur désir individuel et leur désir collectif !

Finalement, c’est l’amour et l’intérêt pour son prochain qui accompagne l’homme dans ses doutes et ses peurs d’affirmation et d’évolution. Comme je le dis dans mon ouvrage, l’homme est bon par nature ! Sa sensibilité d’appartenance peut le rendre certes interdit, meurtri et contraint par la vie. Cependant, il apparait si sympathique, altruiste et touchant dans ses difficultés à se départir des résonances systémiques. Ainsi, sa profondeur subjective et sa teneur collective occultent tout danger d’ennui et d’inerte froideur chez lui.

Pour conclure, pourriez-vous nous décrire plus précisément ces récits thérapeutiques paradoxaux présentés dans votre ouvrage ?
Sur la scène thérapeutique, l’aidant reformule avec constance le vécu conté par le souffrant en utilisant la vision globale et interactionnelle de la systémique. Tout au long de l’entretien, le thérapeute s’applique à redéfinir, sous un angle structurant, la réalité douloureuse de son interlocuteur. L’aidé s’approprie progressivement ce matériel représentationnel opérant. Il crée ses propres solutions sur ce mode et cette logique de pensée.

Ce regard particulier tire sa pertinence et sa justesse de sa nature systémique. Ainsi, le fonctionnement de l’homme ne peut se réfléchir sans considérer les diverses influences internes et externes qui le déterminent. Notre pensée, très circonscrite et trop souvent linéaire, est parasitée par l’insuffisante prise en compte de tous les facteurs interagissant et justifiant des comportements, des réactions, des ressentis, des émotions et des symptômes d’un sujet.

Distiller durant les entretiens certaines idées systémiques fortes, justes et originales, opère des résonances signifiantes. Si je vous dis : « le souffrant n’est pas assez égoïste, La crise est une opportunité afin d’avancer, le symptôme est fonctionnel, le souffrant est fort et endurant, le vrai patient n’est pas celui qui est face au thérapeute, le hasard n’existe pas, il n’y a pas d’avancement sans résistances, la résolution d’une problématique s’amorce par une recrudescence de symptômes, le patient doit avancer lentement durant un temps de crise, le patient doit s’éloigner pour se confronter, un vécu émotionnel désagréable peut être thérapeutique, une force d’avancer naît des événements douloureux, la fusion sépare, la rupture entraîne une aliénation, la confrontation permet la libération, le sujet détient le savoir, il n’a ni victime ni coupable dans un problème rencontré… ».

Ces quelques thèmes inattendus ouvrent d’emblée la réflexion de l’aidant et de l’aidé vers des perspectives et des alternatives nouvelles. La cohérence des représentations proposées imprègne facilement son destinataire lorsqu’il est lui est présenté l’univers circulaire, systémique, exhaustif auquel cette vision est associée.

Ne craignez-vous pas que ce recadrage narratif donne la mauvaise part aux systèmes rigides d’appartenance du sujet ?
Cela pourrait être problématique en effet s’il n’a y avait pas  une vigilance constance à rappeler au souffrant sa pleine participation à tous ces dysfonctionnements systémiques. Il est aussi important de souligner la nature bienveillante des systèmes d’appartenance du patient. En effet, l’inscription du souffrant dans un rôle de récepteur du stress groupal risque, comme vous dites, de donner la mauvaise place aux personnes extérieures.

Rappeler la position active et implicite du patient dans l’acceptation de cette mission sacrificielle est ainsi importante. De même, réfléchir au but bienveillant d’une collectivité de préserver ses liens dans cette dynamique dysfonctionnelle est encore une contradiction utile. Elle permet au patient de sortir des biais d’un processus de victimisation anti-thérapeutique !

Pour conclure, on peut dire que le paradoxe ouvre le champ des possibles ?
Tout à fait, ce merveilleux outil thérapeutique permet de démontrer que les aspirations les plus chères du souffrant ou certaines représentations surprenantes et positives sont des réalités structurantes. Elles ne sont pas des fantasmes à enfouir ou à cultiver de manière désespérée !

Un ou deux paradoxes pour terminer et nous faire réfléchir ?
Oui, avec plaisir, laissez-moi chercher…… je vous dirai, à la suite de ce que je viens de dire : la réalité est celle que l’on se représente ! Le malade est victime de ses trop grandes qualités et compétences.

Bien merci, pour cette matière à réflexion qui crée un peu de confusion, mais qui laisse entrevoir tout son potentiel. Merci à vous d’avoir pris le temps d’écouter ces récits thérapeutiques pour qu’ils puissent opérer dans notre existence !