mercredi 19 août 2015

Vidéo | Derrière le "symptôme" se cache le "saint-homme"



















4e vidéo d'Adeline Gardinier sur le thème du profil et des qualités psychologiques du souffrant.


Adeline Gardinier (psychologue clinicienne et psychothérapeute, spécialiste des thérapies familiales et systémiques) est également auteur du livre "Aider le patient à sortir de la crise, le patient est un soignant qui s'ignore" édité chez De Boeck.

lundi 10 août 2015

Vidéo 3 | Retranscription partie 3/3















3e partie de la retranscription texte de la 3e vidéo d'Adeline Gardinier sur le thème de la recrudescence des symptômes dans les débuts de la guérison.

Bonjour, je vous retrouve pour aborder la 3e et dernière partie de la vidéo entretien consacrée aux propriétés étonnantes du symptôme.

Recrudescence première dans la manie
Un autre exemple parlant se retrouve dans l’épisode maniaque délirant. Le sujet semble être dans une réelle confrontation à sa problématique. Il ne l’élude plus. Il réalise et dénonce les fragilités de ses groupes d’appartenance dans des scénarios déguisés et décalés.

Le symptôme traduit une levée des inhibitions et des refoulements mythiques. Cette attitude de « trop grande présence » n’est que la résultante d’une capacité à davantage regarder les problématiques communicationnelles.

Pour exemple, Monsieur A développa un épisode maniaque bruyant lorsqu’il fut prêt à élaborer les croyances dysfonctionnelles et très fermées de sa famille d’origine. Cette plus grande implication psychique prit les apparats de la manie dans les premiers temps de son expression. En effet, la pathologie révélait l’extrême tension de ce mouvement novateur. Elle intégrait la charge contraignante d’une confrontation douloureuse et le stress d’une adaptation à une posture inhabituelle. L’aveuglement rigide ne pouvait se démanteler que dans un « faire face » extrême et contrastée. La fermeture psychique, afin d’être court-circuité, demandait l’accentuation d’une tension confrontative signifiante dans ses débuts.

La manie délirante serait alors l’expression d’un emballement psychique face à une vérité enfin regardée ! L’excès pathologique des débuts garantit le maintien, suffisamment long, du cadre nécessaire à la résolution de la problématique profonde.

Dans la bipolarité, il est fréquent de constater une recrudescence des défenses persécutrices lors d’une avancée signifiante.  Le symptôme « d’hostilité » permet de déplacer la colère et les manques sur l’extérieur. Le sujet maniaco-dépressif a trop tendance habituellement à endosser les responsabilités transgénérationnelles et relationnelles. Lors de sa progression, il lâche cette trop grande implication en la déplaçant dans des délires ou sur des personnes tierces.

Dans les premiers temps de ce processus évolutif, le ressenti persécuteur résulte de la recrudescence de ce symptôme de rébellion et d’affranchissement. Le symptôme est né pour aménager un cadre adéquat au désengagement d’une position trop sacrificielle. L’accentuation initiale du trouble, dans une expression paranoïaque, est suffisamment intense pour ne pas retomber facilement dans l’abnégation du comportement bipolaire. On constate encore la manière dont l’augmentation des troubles, dans leurs débuts d’expression, est nécessaire afin de neutraliser les résistances signifiantes et premières à la transformation.

Ainsi, le bipolaire passe par ces étapes régressives et pathologiques signifiantes avant de se désaliéner progressivement d’un récit protecteur vis-à-vis de ses systèmes dysfonctionnels !

Dans cette série d’exemples parlants, l’effet thérapeutique de cet accroissement symptomatique des débuts n’a plus de secret. Cette accentuation est nécessaire pour parer à des résistances signifiantes d’avancement. Le symptôme offre le cadre de progression. La recrudescence première du symptôme permet d’assurer la solidité de ce cadre tant qu’il est nécessaire. Plus les résistances au changement sont prégnantes, plus le trouble s’amplifie dans ses débuts. Normal, il doit être plus virulent, plus tenace pour provoquer une transformation véritable des habitudes de vie.

Une recrudescence thérapeutique mais dangereuse si elle n’est pas entendue dans son sens
Lorsque l’on connote positivement le trouble, il ne faut toutefois pas occulter sa résonance dangereuse lorsqu’il est trop longtemps ignoré dans son sens structurant. Ainsi, il n’est pas rare de voir se développer, chez les sujets peu à l’écoute d’eux-mêmes, de graves pathologies. Alors que le symptôme leur a signalé sur leur parcours de vie les dysfonctionnements à travailler, le sujet a été trop longtemps hermétique à ce message.

Le sujet a fui les crises chroniques en recourant au traitement médicamenteux ou à des solutions de colmatage passagères. La rigidité de la problématique interne s’est alors amplifiée au fil des inadaptations croissantes non réglées. Résultat, ce que j’appelle la crise finale a fait jour. Il y a eu saturation physique et psychique. Les défenses habituelles d’évitement ne fonctionnant plus, le sujet s’est trouvé dans l’impasse.

Le symptôme s’est alors exprimé dans une intensité et une permanence maximale pour garantir enfin la résolution du problème. La gravité du trouble trahit cette tension optimale née d’une paralysie. Celle-ci ayant perduré pendant trop longtemps.

Dans la crise finale, la lourde pathologie condense en son cœur l’extrême tension d’une rigidité signifiante. La grave maladie oblige à emprunter les chemins d’une transformation et d’un avancement nécessaires. Les défenses régressives ne fonctionnent désormais plus. Dans son démantèlement forcé, le trouble signifiant met alors fortement en danger le souffrant. En effet, il s’accentue sous l’effet des résistantes premières et prégnantes au changement. Des décompensations psychiques ou physiques peuvent être si intenses qu’elles emportent le souffrant dans les tourments de la folie éternelle, de la maladie ou de l’accident mortel ! Le comble alors est de voir le souffrant succomber à ses difficultés sous le poids d’un processus salvateur ! Celui-ci s’est tragiquement déclaré trop tard, il a engendré une tension intenable !

Ainsi, ce qui était un processus symptomatique salvateur devient dramatique. La recrudescence des symptômes ne participent plus à l’établissement progressif et solide du bon cadre d’évolution. Elle est si extrême qu’elle met, au contraire, fin irréversiblement à une possibilité d’évolution.

Nécessité d’une transmission éclairée et optimale de ce processus régressif thérapeutique
Cette présentation, dans cette vidéo, du processus paradoxal d’avancement est donc essentielle. Elle permet de replacer la recrudescence des symptômes dans une optique constructrice et non régressive. La clairvoyance sur ce phénomène symptomatique donne les bonnes directives dans la logique de guérison.

Le souffrant, averti du bruit nécessaire dans la déconstruction d’un mal bien installé, ne rebrousse pas chemin. Il ne se décourage pas car il est conscient qu’il ne souffre plus inutilement mais pour progresser. L’avancement est obligé de s’opérer dans la tension.

Chaque assouplissement d’une situation rigide entraîne un inconfort certain. C’est fort de ce constat que le patient décide d’emprunter le chemin le plus opérant. Par conséquent, il est prêt à élaborer le sens du symptôme durant une crise graduelle. Prévenu de la dangerosité de la crise finale, il est disposé à accepter la douleur engendrée par le fléchissement de résistances rigides durant les crises graduelles.

Seul le symptôme détient la solution au problème. Un médicament ou une solution passagère ne peuvent que renforcer les difficultés à long terme. Les médecins doivent sortir d’une « toute puissance bienveillante » à vouloir immédiatement soulager. Ils doivent accepter, comme les souffrants, de guérir le mal par le mal. La tension du symptôme est en effet nécessaire à  l’élaboration et à l’extinction définitive de la véritable problématique. Il faut donc bien connaître et respecter les règles structurantes du trouble pour que celui-ci s’efface et que s’efface également la souffrance profonde qu’il cherche à enrayer !

A l’heure actuelle, la recrudescence des symptômes dans le début de leur résolution est encore mal connue. Ce phénomène n’est malheureusement pas plus intégré chez les soignants que chez les patients.

Certainement, comme évoqué en introduction, la peur d’aborder des traumas anciens est à l’origine de cette méconnaissance. Dans un souci de protection de ses groupes d’appartenance, l’homme n’ose pas regarder ce que son symptôme reflète de ses fragilités d’individuation par rapport aux siens. Pour qu’il ait davantage cette dynamique d’exploration de ses troubles, il faut l’aider à solidifier ses assises identitaires narcissiques et groupales. La valorisation de ses systèmes est là encore un appui  essentiel dans cette reconnaissance des effets structurants du symptôme.

Mais ce thème pourra faire l’objet d’une prochaine vidéo. Je vous laisse, pour l’instant, décortiquer ce processus passionnant et déstabilisant de la recrudescence des symptômes dans les débuts d’avancement.  Il mérite en effet toute notre attention afin de le respecter et de bénéficier pleinement de ses bienfaits thérapeutiques !

samedi 1 août 2015

Vidéo 3 | Retranscription partie 2/3

















2e partie de la retranscription texte de la 3e vidéo d'Adeline Gardinier sur le thème de la recrudescence des symptômes dans les débuts de la guérison. 

Bonjour, je vous retrouve pour aborder la seconde partie de la vidéo entretien consacrée aux propriétés étonnantes du symptôme. Je vous propose dans cette séquence de poursuivre l’exploration fascinante sur l’essence de la souffrance.

Exemples cliniques
Pour illustrer ce phénomène d’accentuation symptomatique des débuts de l’avancement, je vais vous évoquer quelques prises en charge. Dans le cadre des douleurs somatiques, cette recrudescence des troubles, au début de leur expression, est particulièrement manifeste. Ainsi, une aide-soignante souffre de maux de dos.

Cette douleur l’oblige à aménager des règles quotidiennes et professionnelles plus modérées. Elle a, en cela, son sens thérapeutique. Ce remaniement engendre toutefois dans un premier temps des résistances internes et externes. Il n’est pas aisé d’intégrer un rythme de vie différent avec des pauses, des séances de yoga, des habitudes hygiéniques contrastées.

Il est laborieux de construire une plus grande affirmation dans le refus de certaines tâches. Ses collègues, son entourage et elle-même n’acceptent pas facilement ces changements fonctionnels. Il y a alors recrudescence de symptômes pendant plusieurs mois avant que le mal s’estompe. Normal, un stress adaptatif signifiant accentue maintenant la charge contraignante du handicap. Celui-ci va s’estomper au fil de l’acceptation des nouvelles règles. La patiente verra alors son trouble disparaître lorsque les nouveaux codes relationnels, qu’il a imposés, seront solidement établis !

Une recrudescence symptomatique à bien intégrer chez l’aidant
Un autre exemple parlant du processus paradoxal d’avancement  se retrouve dans les problématiques d’affirmation. Le sujet développe des troubles émotionnels et comportementaux lorsqu’il se désengage d’une posture d’abnégation. La colère, le repli dépressif, les angoisses et bien d’autres symptômes peuvent se manifester pour faciliter ce mouvement d’émancipation. Il est alors important d’être éclairé sur l’expression croissante de ces conduites et états exagérées dans les débuts de la désaliénation.

Ainsi, les soignants sont toujours très surpris des passages à l’acte hostiles et de plus en plus fréquents de leurs patients d’habitude si dociles. Pourtant, cette situation devient compréhensible lorsque l’on considère une accentuation des troubles dans les débuts de leur résolution. Ainsi, le souffrant ne se reconnait plus. Il crie, insulte, agresse, s’hystérise, peste et déborde davantage dans cette amorce d’expression personnelle.

Normal, le symptôme prend de la force sous l’effet des résistantes signifiantes des débuts d’adaptation. Ainsi, les premiers élans d’individuation déchaînent leur expression exagérée. Le sujet se présente égocentrique, agité ou invivable dans son ébauche maladroite d’affranchissement. Il nuance ce mouvement au fil d’un processus de plus en plus assumé et donc de moins en moins stressant.

Encore une fois, cette clairvoyance sur la recrudescence des symptômes, dans le dénouement d’une problématique, est essentielle. Dans ce cas particulier, l’ignorance de ce phénomène conduit les soignants à décourager et à étouffer des révoltes bien salvatrices. S’il faut contenir des pulsions débordantes, il est important de reconnaître leur caractère structurant lorsqu’elles annoncent des changements bienvenus. Il ne faut donc pas les censurer mais aider à leur apaisement dans la valorisation de ce qu’elles cherchent à introduire.

Ainsi, dans nos centres, nous aidons les personnes en cours d’affirmation à s’ajuster à ce processus sans jamais déprécier leur dynamique explosive !

La méconnaissance de cette règle amplificatrice entraîne des malentendus fort préjudiciables pour le souffrant. Il se voit, en effet court-circuité, dans sa laborieuse tentative d’affirmation. La pulsion morbide ou mortelle ne tardera pas alors à se manifester pour traduire l’échec de ce mouvement transformateur ! La pulsion d’inertie ne peut pas, en effet, s’estomper puisqu’elle n’est pas entendue dans son expression légitime et passagère lors des premières phases d’avancement.

Une situation cocasse mais thérapeutique !
Je me souviens également d’une situation assez cocasse rencontrée au centre psychothérapeutique. Une dame, prise dans des liens très symbiotiques à son conjoint, faisait des séjours réguliers dans la structure. Elle présentait une dynamique de fonctionnement psychotique.

Elle entretenait, dans son couple, une union collusive permettant de camoufler la problématique de chacun. Toutefois, la patiente évoluait au fil de ses hospitalisations. Elle renforçait son estime d’elle. Elle ressentait moins le besoin de porter les responsabilités de son compagnon au travers de ses fragilités. Ainsi, un mouvement de différenciation signifiant ne tarda pas à s’exprimer.

Toutefois, son allure déguisée créa bien des étonnements et des jugements biaisés au sein de l’équipe médicale. La recrudescence du symptôme, traduisant cet élan récent d’individuation, s’exprima par des comportements volages vis-à-vis des patients masculins du centre. Il s’agissait d’un élan grossier et non maitrisé de cette amorce d’autonomisation. Les comportements séducteurs constituaient le trouble sollicitant le changement attendu. Ils permettaient, en effet, de se décentrer du conjoint pour porter attention sur l’extérieur.

Toutefois, la charge excessive de tension, condensée dans le trouble, était logique lors des premières adaptations. Elle transformait des actes d’émancipation salvateurs en de sauvages expressions libératrices. La connaissance de ce phénomène régressif, des premiers temps de l’avancement, est alors essentielle. Elle permet des évaluations cliniques non erronées. Le souffrant est perçu dans ses progressions et non ses échecs. Le soignant peut alors soutenir le patient dans l’expression nuancée de cette nouvelle dynamique prometteuse. Il n’enraye pas une initiative favorable. Il est très facile d’anticiper les conséquences désastreuses d’une non-compréhension de ces processus psychiques paradoxaux.

Bien sûr cette réalité n’est paradoxale que parce que l’utilité du symptôme et sa recrudescence, dans ses débuts d’expression, n’est pas assez connu.

Recrudescence première dans les problématiques phobiques
Dans les problématiques phobiques, le symptôme vient en lieu et place d’une distance relationnelle à aménager entre le souffrant et certains objets extérieurs. Si le processus est bénéfique dans la dynamique protectrice qu’il introduit, l’excès de son expression est toujours très handicapant. Or, cette mise en retrait, imposée par le symptôme, s’accentue dans les débuts de sa manifestation.

Le sujet souffre du stress engendré par ses nouvelles habitudes de vie. En effet, le symptôme l’oblige à désinvestir, de manière significative, des liens psychiques trop étroits. Le mode communicationnel à autrui est brutalement bouleversé. Il produit donc une tension supplémentaire non négligeable. Celle-ci alimente la charge inhérente au symptôme lui-même.

L’inhibition excessive, retrouvée dans la problématique phobique, s’explique donc par cette règle de recrudescence des symptômes au début de leur apparition. Il ne faut pas oublier que le trouble, en lui-même, est thérapeutique.

Sa contrainte exagérée tient à sa nécessité de virulence pour parer aux résistances au changement. Le sujet phobique serait, à la base, trop impliqué émotionnellement dans les relations à autrui. Il ne saurait pas protéger son espace personnel et psychique. Les difficultés de différenciation des ses interlocuteurs interféreraient avec ses propres fragilités d’autonomisation.

L’intensité du vécu phobique serait alors proportionnelle à la rigidité de la problématique de distanciation. Plus le sujet serait enchevêtré psychiquement aux fragilités de ses systèmes, plus les pulsions d’inertie seraient importantes, plus la phobie devrait être prégnante dans ses débuts d’activation. La recrudescence des symptômes, malgré son caractère contraignant, a tout son sens structurant en phase de réorganisation première.

La 3e et dernière partie la semaine prochaine...